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Dreamcatcher

J’aime ce qui ne fut jamais. Odilon Redon

Les rêves sont des souvenirs. On y revient, on les ré-examine. On croit qu’ils ont changé, mais c’est peut-être nous.

Je dois aux dernières secondes d’un rêve (c’était en 1997) la phrase suivante, que j’énonçais avec courroux, semble-t-il pour mettre fin à une difficile controverse : « Oh tu sais, on ne pèse jamais que quelques grammes de plus que son inconscient ». Sitôt réveillé, je me suis jeté sur un stylo pour l’écrire. De temps en temps, je retombe sur ce bout de papier. Je ne sais toujours pas ce que ça veut dire mais c’est presque aussi joli que « nous sommes faits de l’étoffe de nos rêves » de Shakespeare.

Il est possible que mon plus vieux souvenir soit un rêve. Quel est l’âge du plus vieux souvenir ? Trois, quatre ans ? Une nuit, vers trois ou quatre ans, je me trouve dans une grande salle blanche où les seuls meubles sont des chaises, disposées en rangées erratiques mais toutes tournées vers le même mur, certaines occupées par des dames bien mises, bien habillées, jambes croisées, d’autres restées vides. Comme j’ai trois ou quatre ans, mon regard est à la hauteur de l’assise des chaises. Je cherche ma maman. J’ai peur de ne pas la reconnaître, parce que toutes les dames assises sur les chaises ont le regard fixe, aucune ne baissera les yeux vers moi, elles regardent comme hypnotisées le mur du fond où se déploie un écran géant. Sur cet écran : le visage souriant, et fixe également, d’une dame brune surmontée d’un chignon. Cette dame me terrorise. Personne ne l’a dit, mais il est question d’une boisson empoisonnée. Les dames assises ne bougent toujours pas. Je crains de ne jamais revoir ma maman. Je me cache sous la chaise la plus proche de moi, je n’ai pas vérifié si elle est occupée ou non.

L’Echoppe enténébrée, recueil de mes rêves, donc de mes souvenirs, est désormais en vente libre, quoique souterraine.

  1. araignee
    25/05/2008 à 23:12 | #1

    Vous avez dû être déçus quand vous avez vu la taille de notre jardin en vrai !

  2. 02/07/2008 à 14:18 | #2

    J’ouvre Telerama ce matin. Je tombe sur cette titraille : « L’histoire du monde serait plus juste si l’on tenait compte de l’histoire des dormeurs et de leurs songes. Henry Bauchau ». Forcément, je lis l’interview qui se déploie en-dessous.

    « … développer le côté du coeur, celui qui indique la capacité de vivre ensemble sans lutte, sans rivalité. [Comment ?] En repoussant les barrières intérieures, en écoutant ses rêves. J’ai toujours été frappé que tant de gens vivent dans l’ignorance de leur activité onirique. Pourtant, l’histoire du monde serait plus juste si l’on tenait compte de l’histoire des dormeurs et de leurs songes. Ce qui se passe pendant le sommeil a une influence considérable sur l’éveil*. En prendre conscience ouvre des horizons ».

    Eh bien soit : que mon Echoppe soit une contribution à « L’histoire du monde » (en toute modestie, bien sûr).

    * Et dire que c’est l’inverse que le sens commun tient pour une vérité indiscutable…

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