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Proposition de combat contre la Monoforme

Flûtre, Peter Watkins est mort.
Bah, il est mort à quatre-vingt-dix ans et deux jours. On peut raisonnablement supposer qu’il avait filmé tout ce qu’il devait filmer sur cette terre. Mais on ne peut pas en être sûr. Voici quelques jours, j’ai admiré, ému aux larmes, l’ultime toile, noire et profonde, pleine de reliefs, peinte par Pierre Soulages à l’âge 102 ans. Alors pour Peter Watkins on ne peut pas savoir.

Peter Watkins est mort alors que je venais de citer son Punishment Park dans ma liste des films de désert.
Peter Watkins est mort alors que son Edvard Munch est l’un des plus beaux biopics qui soient, à la hauteur du Van Gogh de Pialat (depuis le temps que je trouve des exceptions à ma posture de principe, J’aime pas les biopics, tu vas voir que je vais finir par aimer les biopics).
Peter Watkins est mort alors que son terrifiant War Games (en VF : La Bombe), commandé en 1965 par la BBC qui l’a refusé, diffusé seulement 20 ans plus tard, avait relativement perdu de sa pertinence à la fin de la Guerre froide, mais retrouve ces jours-ci toute son actualité (Trump et Poutine envisagent la reprise des essais nucléaires…), et si on a les nerfs suffisamment solides on peut le vérifier, le film étant visible gratuitement sur Dailymotion (45 mns découpées en 3 segments de 15 mns).
Pourtant, parmi tous ses films c’est plutôt à sa Commune que je pense aujourd’hui, film hors catégories, hors format, hors normes, hors formes (certes, chacun de ses films était une proposition de combat contre la Monoforme, cf. ci-dessous), hors tout.
Film qui a beaucoup fait pour ma passion pour la Commune de Paris, passion que je peux enfin exhiber en public grâce au spectacle Gustave Courbet.

Rediffusion au Fond du Tiroir : ci-dessous une chronique écrite en 2011.

La Commune (Paris 1871), un film de Peter Watkins, Doriane films, 2001 –
Connaissez-vous la « Monoforme » ? En tout cas, elle vous est familière, trop familière, à votre insu… Selon l’inventeur de ce concept, le cinéaste anglais Peter Watkins, la Monoforme serait le schéma narratif dominant les productions audio-visuelles du XXIe siècle. Nous regardons un film, un téléfilm, voire un documentaire ou le journal télévisé, et nous sentons bien que l’on nous raconte toujours, sinon la même histoire, du moins le même squelette d’histoire, quels que soient sa chair et ses vêtements, téléguidant nos émotions et nos réactions. Afin de briser, par un contre-exemple radical, ces conventions qui standardisent, non seulement l’audiovisuel, mais l’imaginaire des spectateurs, Watkins a tenté une expérience hors norme : son film La Commune est un OVNI cinématographique. Œuvre exigeante de 6 heures, tournée à Montreuil dans les anciens studios de Georges Méliès, cette reconstitution d’une page sanglante de l’Histoire de France est à la fois une critique de la mémoire historique, et du traitement de l’actualité par les mass medias. La fidélité aux faits (Qu’en savons-nous ? Y avait-il des caméras ?) est le prétexte à une mise en abyme anachronique : on voit des reporters de télévision interroger des protagonistes de la Commune, et des acteurs en costume décrocher de leurs rôles pour évoquer l’héritage de cette insurrection, les comparant aux grèves de 1995.

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