La nuit sera verte et brune
Cette nuit je me trouvais dans une cuisine bondée où je regardais des femmes éplucher des légumes et où je les écoutais discuter politique. Les éplucheuses s’adressent soudain à moi, me mettent la pression en me disant « C’est à toi de jouer ! », et oui, ça me revient maintenant, j’ai des responsabilités politiques, je me suis engagé, il faut assumer et y aller. Cette cuisine prépare le repas d’un symposium consacré à « Tradition culturelle et extrême droite ». Et je me retrouve à présent à la tribune, sur une estrade, face à une salle des fêtes clairsemée et des chaises en plastique. À ma gauche se tient une jeune fille qui tient un discours militant, dogmatique, très véhément et très brouillon, revendiquant, si je comprends bien, qu’il ne faut rien laisser de culturel à l’extrême droite, que « culture d’extrême droite » doit absolument être tenu pour un oxymore sous peine de laisser la culture de l’extrême droite devenir LA culture. Mais elle trouve aussi le moyen de préciser qu’elle est végétarienne, fait l’éloge des légumes et je ne vois pas trop le rapport, ou alors c’est une métaphore qui m’échappe. À ma droite se tient un vieux bonhomme émacié qui a un peu la tête de Jean-Pierre Léaud, avec des cheveux longs et gras. Je crois me souvenir qu’il a été présenté comme un spécialiste agrégé de la littérature du XXe siècle, je n’ai pas retenu son nom, je m’en veux d’être trop distrait, trop obnubilé par ce que je dois dire en public pour rester vraiment attentif à ce que disent les autres. Le faux Léaud prend la parole, sec, lent mais impatient, désagréable. Son discours consiste à dézinguer ses interlocuteurs (la jeune végétarienne et moi-même) en décrédibilisant leurs manières de parler, leurs tournures et barbarismes. Cuistre, sournois, il lit à voix haute et nasillarde la liste des fautes de français qu’il a relevées parmi les propos de la jeune fille, puis se tourne vers moi avec un sourire méprisant : « Quant à vous, j’ai noté une mention d’Artaud-le-Momo ou je ne sais quel charabia, sincèrement mesdames et messieurs, soyons sérieux, où sommes-nous, dans une cour de maternelle ? » Je me lève brusquement, je tiens la chaise derrière moi, je m’enfurie ! Agressé, je l’agresse à mon tour ! « Monsieur, votre attaque est incompréhensible. Vous vous présentez comme un spécialiste mais vous ignorez le livre d’Artaud-le-Momo sur le concombre ? Vous êtes un usurpateur ! » Tout en guettant avec fébrilité sa réaction qui ne saurait être qu’outrée, je me demande : d’où est-ce que je sors cette histoire de concombre ? Suis-je en train de m’embrouiller les pinceaux et de confondre avec les éplucheuses de légumes ?
Je me réveille perplexe, je me demande si Artaud a réellement écrit quoi que ce soit sur le concombre, il faudra que je vérifie sur Google, recherche croisée Artaud-concombre. Je n’ai pas de temps à perdre, je dois me préparer et rejoindre aujourd’hui mes amis pour le symposium de l’association Mydriase afin de discuter de l’avenir de nos stages.
Ce n’est peut être pas le même Artaud… Désolé je n’ai pas résisté à faire la recherche 😃
https://lafermedartaud.fr/premier-concombre/
Tout s’explique… connaissant l’intérêt d’Artaud pour le Japon, et sachant que [momo] en japonais c’est la pêche (prunus persica) j’y reviendrai – bien célèbre par le conte populaire Momotarō (tarō étant un anagramme évident – hum – d’Artaud), d’une part ;
d’autre part que le kanji correspondant à momo est 桃 – composé d’un côté par 木 (ki) [arbre] et de l’autre par 兆 (chō) [mille milliards], nous nous retrouvons sur la piste de la bande dessinée (mille sabords)…
enfin, l’aspect légumiste étant particulièrement évoqué par le concombre qui en japonais se dit kyuuri (deux kanjis : 胡瓜 la gourde – courge – de perse) ;
il semble évident que :
premièrement : il est grand temps de relire l’intégrale de Dragon Ball (n’oublions pas que les Sayans – en VO saya jin サイヤ人 un jeu de mot explicite pour ne pas les appeler hommes-légumes – sont arrivés sur la planète qui alors se nommait Plant et sur laquelle vivait le peuple des hommes fruits – tsufuru jin ツフル人)… car c’est une savante exégèse d’Artaud le Mômo !
deuxièmement : il découle du point précédent qu’Artaud (MomōArtaud, autrement dit MomoTarō) est un foncièrement anti légumiste (saya jin), étant lui même un fructiste (tsufuru jin).
troisièmement : Nikita Mandrika n’est plus très loin, mille sabords et bretzel liquide.
…
il existe un quatrièmement et un cinquièmement, mais il faut les garder pour la bonne bouche (cheveux gras du pseudo Léaud et huile d’olive)