Archive

Archives pour 02/2023

Mirliton Matin (2/2 : février 2023)

28/02/2023 Aucun commentaire

Comme prévu, Mirliton Matin s’est autodissous le 28 février, son obsolescence était programmée. Les supports de presse indépendants sont si fragiles par les temps qui courent que nous sommes fiers d’avoir tenu deux mois… En revanche, curieusement, nous n’avons pas reçu d’offre de rachat de Vincent Bolloré. Son courrier a dû se perdre, avec les grèves et tout.
Voici, baroud d’honneur de nos deux reporters de l’extrême Marie Mazille et Fabrice Vigne, la seconde compilation (la première est à retrouver ici) des mirlitons publiés quotidiennement sur la page FB du Fond du Tiroir.

Jour 1

Mirliton Matin, rubrique nécrologie ! Le musicien Tom Verlaine s’est éteint, à l’âge de 79 ans.

Pour la seconde fois meurt « Verlaine » , un poète.
Quel beau couple ils formaient, Patti Smith en Rimbaud !
Ensemble ils ont écrit The night, recueil-flambeau.
Il était guitariste, auteur et interprète
Mais jamais n’accéda au statut de vedette.
Un poète maudit, un prophète du beau.

Jour 2

Mirliton Matin, rubrique ex-fan des seventies !
Aujourd’hui 2 février, Valéry Giscard d’Estaing fête ses 97 ans. On lui souhaite un joyeux anniversaire, même s’il est mort.
Il sera toujours dans le cœur de ceux qui, de nos jours encore, collent des affiches « Giscard président » à chaque élection.

Puisqu’il est pour l’éternité « le président moderne », en son honneur nous composons un rap :
Yo !
Maintenant tu sautes dans le ring
Valéry vas-y c’est ton moment
Total respect sens du timing
Valery est un garçon ou bien je mens
VGE tu brilles t’es bling bling
T’adores trop l’Afrique et ses diamants
Prends la pose en chasseur avec ta carabing
Tu connais le prestige de l’armement
Respect t’es le prince du shooting
Sans compter ta réputation d’amant
Qu’en disait Lady Di ? (Shocking !)
T’as tous les talents, t’écris des romans
Les avions renifleurs c’est du Boeing
Moi et mon crew on te kiffe carrément
On n’voit que toi quand tu breakes sur l’dancing
Tu exploses le game avec tes chuintements
Accordéon tu t’offres un featuring
Guest-stars en back-up tout le gouvernement
Enfin c’est l’heure, accomplis ton d’esting !
« AU ! RE ! VOIR ! » le flow était ton élément

Jour 3

Mirliton Matin, rubrique sciences naturelles et bipolarité politique !
Un serpent à deux têtes est né en Caroline du Nord. Chacune des deux têtes dispose de son propre cerveau et donc de sa propre personnalité. Celle de droite est plus agressive que celle de gauche, comme de par hasard.

Comment faire quand on est un serpent à deux têtes ?
Comment faire pour demeurer intègre et honnête ?
Comment réagir si l’une rote et l’autre pète ?
Si l’une vote Jean-Marie et la deuxième Arlette ?

Jour 4

Mirliton Matin, rubrique solidarité des petits médias indépendants ! Les manifs contre la réforme des retraites continuent, suivons les bons conseils du Gorafi.

Nous partageons avec plaisir la couverture
Du dernier Gorafi Magazine, lecture
Permettant de hausser toute température,
Comme un bon vieux cocktail dans une devanture

Jour 5

Mirliton Matin, rubrique aménagement intérieur et célébrités surcotées !
Marie Kondo se repent. Qu’elle aille se faire rependre.

La coach Marie Kondo, icône normopathe,
Nous enquiquine et nous effraie de longue date
Nous culpabilisant de la moindre poussière,
De tout fouillis naissant ! L’aimable conseillère

Arborant le sourire d’une adolescente
Mais la sévérité d’une odieuse sergente
Poussait le bouchon même à vouloir rationner
La quantité de livres par elle cautionnée !

« Dix ou douze, pas plus ! » Mais… De quoi je me mêle ????
Moi qui vis (fort heureux) sur mes bouquins pêle-mêle
Elle rêvait pour nous d’un cadre aseptisé,
D’un placard bien rangé, d’un vide organisé,

Enfin d’un monde blanc, néant de cauchemar !
Voilà, coup de théâtre et pavé dans la mare,
Qu’elle avoue aujourd’hui : « Je suis votre modèle
Mais songez que chez moi, c’est grave le bordel !

Le chaos, c’est la vie ! J’ai viré ma cuti !
Quand je pense aux couillons que j’avais convertis…
En un mot comme en cent, faites comme il vous plait ! »
Me voici rassuré (là finit ce couplet).

Jour 6

Mirliton Matin, rubrique grand remplacement ! L’intelligence artificielle remplace-t-elle la bonne vieille intelligence organique, bio, vintage, artisanale, tournée à la main ?

Romans, chansons, essais, journaux
Seront-ils moins vrais ou moins beaux
Ou plus humains ou moins idiots
S’ils sont écrits par des robots ?
L’artifice est l’auteur nouveau
Sans droits d’auteur et sans impôts
L’intelligence est en réseau
Et a déserté nos cerveaux
Têtes de bois près du billot
Nous sommes tous des Pinocchio
En érection devant le faux
Engendrés par Chat-Gepetto

Jour 7

Mirliton Matin, rubrique deuil et annonces légales. Nous avons le grand chagrin de vous signaler le décès de notre ami Jean Avezou.

Un homme est mort et c’est comme un coup de grisou.
Un tranquille excentrique, un érudit zazou,
Un homme de culture, de verve et de bizous,
Un esprit disparaît. C’était Jean Avezou.

[Indéfectible soutien de nos créations, Jean m’avait plusieurs fois interviewé sur mes livres ou mes spectacles et se montrait systématiquement bienveillant quoique pertinent (les livres, il les lisait pour de vrai) et spirituel. Je l’ai croisé pour la dernière fois en octobre : il m’avait invité à participer à ce qui sera l’ultime émission de radio inventée par lui, « Quézako », sur Radio Campus, avec Christine Prato. Ce jour-là il boitait un peu mais était alerte d’esprit et drôle comme il l’a toujours été. On peut réécouter cette émission ici.]

Jour 8

Mirliton Matin, rubrique ravages de l’alcoolisme (le dry january est terminé, mesdames et messieurs) ! Ivre, il ne reconnaît pas son épouse allongée dans son lit et appelle la police.

Rudolf en se couchant
Pousse un cri effrayant
Une femme étendue
Des oreilles au cul
Ronfle comme un canut
Et c’est une inconnue
Poilue, dodue et nue
Des chevilles au cul
Rudolf est en panique
Il appelle les flics
Pin pon pin ils arrivent
Rudolf, à la dérive
Vitupère calmement
Son teint vire à l’endive
Il se mord les gencives
Tout en réfléchissant
Que vont dire les gendarmes ?
Que je suis son amant ?
Mon dieu quelle catastrolphe !
Si j’appelais Maman ?
Il frissonne, Rudolf
Il va falloir qu’il s’arme
De sérieux arguments…
« Gendarm’rie nationale,
Montrez-moi votre lit ! »
La grosse femme à poil
Entrouvre un œil et râle
Quelle heure est-il chéri ?
Demande-t-elle hagarde
Qui est ce caporal
Au milieu de ma piaule ?
Est-ce un de tes amis ?
Roger, Marcel ou Paul ?
Son mari la regarde
En se grattant l’oreille
Un petit quelque chose
Derrière la paupière close,
Au milieu de l’orteil
De la grosse inconnue
Lui semble familier…
Oui, ce vieux téton nu,
Maintes fois il l’a vu…
Son haleine essoufflée
Transpire l’éthanol
Rougissant, il avoue
A la maréchaussée
Que la femme allongée
Il l’aurait épousée
Il y a quelques années
(Ses souvenirs sont mous)
Les gendarment s’en vont
Pin pon pin, pon pin pon
Et croisent dans le hall
D’entrée de la maison
Vingt bouteilles de kro
(20 bouteilles, c’est trop !)
Et quinze de crémant
Ils concluent en riant
Si le soir tu t’endors
Aviné, ivre mort
Auprès de ta rombière
Après avoir sifflé
Trop de vin, trop de bière
Tu penseras, mon cher
Que c’est une étrangère !

Jour 9

Mirliton Matin, rubrique courrier des lecteurs ! Suite à la publication du mirliton d’hier, nous avons reçu ce message de l’une de nos jeunes lectrices, qui a choisi de signer d’un pseudonyme, c’est pourquoi nous respecterons l’anonymat de Marie Mazille :

Bonjour, je suis une de vos lectrices fidèles et anonymes et je souhaite porter plainte pour une absence de rime en « é » à la fin de cette histoire nauséabonde. Si nous pouvons traiter ce problème à l’amiable (beau niçois qui mal y pense) cela vous évitera, à vous, votre éditeur sulfureux et vos millions de fans, une déconvenue à nulle autre pareille, sinon, hou et youpida, avocats et toute la smala et on pourra pas dire que vous l’avez pas cherché. Pourquoi ne pas rajouter « ou de Puilly fuissé » après « trop de vin trop de bière » ? N’est-ce pas vous qui êtes parfois trop aviné ? Cordialement. Josette Kkqdjhbkjfourg

Ce à quoi nous avons répondu par un autre mirliton :

Merci beaucoup chère Josette
De signaler les coquillettes
Quelle chance une lectrice pas bête
Nos gratitudes et nos risettes
Nous vous souhaitions pour faire la fête
De toujours garder vos chaussettes

Jour 10

Mirliton Matin Dimanche, rubrique « directement du producteur au consommateur » !

Saint Siméon de Bressieux : l’amicale des donneurs de sang a tenu sa rituelle « Matinée boudins » qui, selon le Dauphiné Libéré, a rencontré un franc succès puisque « tout a été vendu rapidement » .
Voilà qui nous remet en mémoire le joli temps de la Confine, couplet 23 :

23ème jour de confine
Sorties autorisées pour le don de sang
Les globules ne sortent pas des usines
Ni de la mer ni d’un étang
Ils viennent des braves citadines
Après le don de sang on dîne
Au boudin noir au boudin blanc
Y en a marre de la confine
Y en a marre du confinement

Jour 11

Mirliton Matin, rubrique « Il ira au baston, au baston/Comme le prolo va au charbon » !
Une charmante tradition péruvienne permet de rouer de coups son prochain et même, grâce à une avancée féministe, sa prochaine, à 4000 mètres d’altitude, afin de fêter Noël en vidant les querelles à la castagne (non sans avoir au préalable prié la Vierge Marie). On se défoule, on encaisse le défoulement des autres, aucun vainqueur n’est désigné, et les liens sociaux sont reconduits pour un an.

Sur les plateaux andins ont lieu d’âpres échanges
Certains soirs de Noël. On picole, on s’arsouille
On prie la Sainte Vierge et on oublie les anges
Bagarre générale pour le Takanakuy !

« Keskia, t’es pas content ? On sort et on s’arrange !
Viens me le dire ici, du moins si t’as les couilles !
Rendez-vous au sommet, mes deux poings me démangent,
Là-haut on a le droit, et bim et bam aïe ouille ! »

Ce rituel brutal vous semble-t-il étrange ?
Mais les vieilles rancœurs finissent en ratatouille
Règlement au bourre-pif vaut mieux que l’on se venge
Et ainsi se dénouent les pires cas de brouille.

Jour 12

Mirliton Matin, rubrique l’Europe pittoresque ! La localité au nom le plus long d’Europe, Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwllllantysiliogogogoch (pays de Galles) a inspiré quelques vers à Marie Mazille, qui, légitimement, souhaite à présent déposer Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwllllantysiliogogogoch à la Sacem. On ne s’ennuie jamais.

Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwllllantysiliogogogoch ?
L’enfer poule gouine elle gogeri ?
L’enfer à prononcer, chéri !
Poule Gouine elle gogeri chouirne
ça résonne dans les narirnes
Drobw lantissili gogogoch ?
A retenir, c’est pas fastoche !
Et pourtant les petits enfants
De « lanferpoule gouine elle goj’ri »
Orthographient (et c’est l’horreur !)
Le nom de leur ville natale
(En plein coeur du pays de Galle)
Tous les matins dans leur école
Un tel nom, ça n’a pas d’égal !
Ils notent sur leurs cahiers, pas de bol
« Je n’habite pas à Paris
Mais à « l’enfer poule gouine elle go »
Voyelles et consonnes à gogo
Geri chouirne drob lantissili
C’est long comme une nuit sans lit !
Drob lantisili gogogoch
Z’ont vraiment pas de chance les mioches
Quand ils doivent épeler leur ville
On a beau leur dire « mais quel style ! »
Tout le monde ne peut pas habiter A (Norvège)
Oô (Haute-Garonne) ou My (Belgique, près de Lièges)
Ri (Orne), Bu (Eure-et-Loire), By (Doubs) ou Oz (Isère)
Pour les marmots, c’est un enfer !
Stylo violet, carmin ou vert,
Braille ou verlan, endroit, envers
Attention, deux ailes à Llanfair
(Et c’est pas dans le dictionnaire !)

Jour 13

Mirliton Matin, éditorial politique !
Ci-dessus est reproduite la navrante quoiqu’authentique capture d’écran d’une publicité débile (pléonasme) polluant le site d’orange.fr : les vilaines trognes d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen sont convoquées, on ne comprend pas très bien sous quel motif, pour illustrer le grand remplacement, celui de votre chaudière par une pompe à chaleur. Et il faudrait débourser 20 000 balles pour élire l’une plutôt que l’autre.

Macron incarne à lui tout seul le vieux monde d’hier
Imprimant le carbone ainsi qu’une chaudière.
La Le Pen, en revanche, est un calorifère
Qui carbure en surchauffe et qui nous pompe l’air.
Faudrait cracher 20 000 euros en numéraire
Pour changer l’un par l’autre ? Ah non, ils exagèrent !
Plutôt crever que de payer dans cette affaire !
Car la sobriété rend plus que nécessaire
De baisser radiateurs, d’éteindre les lumières,
Mais aussi, c’est vital, de forcer à se taire
Aussi bien le Néron qui se croit Jupiter
Que la blonde fasciste et fille de son père.
(On remarque d’ailleurs que les deux adversaires
Ont un point en commun : ils sont pro-nucléaires,
En termes de chauffage les deux font la paire
Ne comptons pas sur eux pour les panneaux solaires.)

Jour 14

14 février : Mirliton Matin, rubrique fête des amoureux !
En ce moment est instruit le procès de l’empoisonneuse de la Saint-Valentin, fait divers survenu à Noeuds les Occis. Euh, non, pardon, Noeux-lès-Auxi (Pas-de-Calais), nos lecteurs avaient rectifié d’eux-mêmes.

Quatorze février, l’amour est un cadeau
Mais c’est, dans certains cœurs, la fin des haricots.
Jennifer tend un verre à son mari Bruno…
Tiens, mon amour ! Cul-sec, ce délicieux Porto,
Méthadone en extra, t’enverra illico
En enfer, chez les anges, ou chez les asticots
Bonne Saint-Valentin, espèce de salaud !
Tu peux crever, povmec ! Moi j’en ai plein le dos.
Tu ne me battras plus, satané alcoolo !
Tchin-tchin, à nos amours, et adios amigo

Jour 15

Mirliton Matin, rubrique aménagement du territoire et bourdes industrielles ! Des trains sont conçus trop larges pour entrer dans les tunnels.

Le malheur est tombé sur le réseau ferré
Des trains sont usinés en dépit du bon sens,
Et tout le rail d’Espagne en sort déshonoré !
Pourtant des garde-fous existent dès l’enfance
Afin que les idiots soient fissa repérés :
Pénétrer le bon trou montre l’intelligence !
On teste les marmots d’un rond et d’un carré,
Et de deux orifices servant l’expérience.
Lors, à eux de jouer : trouveront-ils l’entrée ?
Leur acuité se vérifie en diligence
Le carré dans le rond ? Le rond dans le carré ?
Faute rédhibitoire ! On vise l’excellence.
Ainsi, les ingénieurs sont incorporés.
Cette étape a manqué, funeste inadvertance
Qui accouche de trains au front démesuré.
La honte est pour l’Espagne, car bien sûr en France
Pareille impéritie jamais n’arriverait !

Jour 16

Mirliton Matin, rubrique ruissellement !
Scoop extravagant : selon la science (comme nos lecteurs le savent, Mirliton Matin adore les phrases qui débutent par selon la science), être riche n’est pas forcément être intelligent.

On sait bien que « l’argent ne fait pas le bonheur »
Mais voilà qu’on apprend grâce à d’autres chercheurs
Qu’il ne fait rien non plus pour grandir le Q.I. !
Les nantis ne sont pas tous Einstein, inouï !
Le « premier de cordée génial » n’est qu’un fantasme.
La conclusion s’impose et c’est un pléonasme :
L’argent ne fait ni heureux ni intelligent
L’argent au bout du compte ne fait que de l’argent
Et il est fait par lui. L’argent se reproduit.
Son absence de même et son désir aussi.

Jour 17

Mirliton Matin, rubrique réforme du service public ! Une lettre met plus d’un siècle à parvenir à destination.

La Poste de nouveau augmente ses tarifs,
Dégrade ses services, réduit ses effectifs…
Puisqu’ « optimisation » reste son objectif
Depuis qu’un pli postal n’est plus compétitif,
L’exemple britannique sera décisif !
Tandis que le roi Charles orne le timbre de son pif
« Royal mail » est en crise… Courage, amis rosbifs !
Un beau récit advient, et des plus instructifs :
À Londres une missive au routage tardif
A voyagé cent ans. Moratoire excessif,
Mais le prix sur son timbre n’est plus qu’indicatif.
L’expéditeur est mort, remède expéditif !
Enfin, ne coupons pas en quatre chaque tif,
Retenons l’épilogue et soyons positifs
Le « tarif lent » est un barème alternatif
Qui propose à chacun des montants dégressifs
Le cachet de la Poste fait foi, exclusif.
(Si jamais tu l’estimes un rien prohibitif,
Cesse juste d’écrire à titre préventif.)

Jour 18

Mirliton Matin, rubrique santé publique ! Près d’un français sur deux est en surpoids.

Malédiction sur la population française !
L’injonction poétique d’augmenter la vie
Est tombée sur le ventre. Un gras mauvais sévit.
Près d’un Français sur deux souffre en silence et pèse.

La malbouffe, les chips, sodas et mayonnaise…
Sont moins chers. À quel prix l’angoisse est assouvie !
Les jeunes, les plus pauvres, les plus asservis,
Les plus fragiles sont aussi les plus obèses.

Jour 19

Mirliton Matin, rubrique consternation et révisionnisme littéraire ! Roald Dahl réécrit pour les nuls.

Sacrées sorcières est-il un pamphlet misogyne ?
Matilda discrimine un peu trop les frangines ?
La chocolaterie promeut-il le black face ?
La grosse pèche est une sale histoire de fesses ?
Fantastic Mister Fox, un spéciste imbécile ?
Et Le bon gros géant un pervers pédophile ?

Apprenons donc à lire à tous ces fiers adultes
Pleins de bons sentiments mais tristement incultes.
Éduquer les enfants n’est pas leur éviter les chocs !
Et surtout pas l’humour, non plus que la provoc.
Chercher à « protéger » c’est comprendre que dalle
A la littérature et au grand Roald Dahl.

Jour 20

Mirliton Matin, rubrique « double bind » !
Le flux d’info est permanent
Comment lier deux renseignements
sans le moindre lien apparent
et qui surgissent pourtant
sur une même capture d’écran ?
Pour Mirliton Matin, un jeu d’enfant.

Rester au lit en caressant un chat mignon
Vous fait tout oublier, y compris le pognon !
Lui aussi dans son coffre attaque un roupillon
Fauché par les banquiers qui boivent le bouillon
Et vous voilà ruinés, rongés jusqu’au trognon
À poil comme un matou. Ronronnez, ô couillons !

Jour 21

Mirliton Matin, rubrique pardon d’insister mais avez-vous pensé à vous inscrire au stage de printemps Gourmandises (ré)Créatives animé par Marie Mazille, Fabrice Vigne, mais aussi par des gens sérieux et compétents ?

Ah, les beaux stages de Mydriase !
« Inscrivez-vous, réinscrivez-vous ! »
(Mais c’est pas la légion, j’avoue,
c’est la vraie porte de l’extase)

Jour 22

Mirliton Matin, rubrique personne-ne-supporte-plus-personne ! Une crêperie bretonne forcée de fermer parce qu’elle « sent trop la crêpe » .

Pourquoi le monde est-il rendu intolérable ?
Parce qu’il est là. C’est tout. Et de façon durable.
Preuve en est qu’il émet des bruits et des odeurs.
Il persiste en son être. Quel culot ! Quelle horreur !
Ainsi la pizzéria qui sent trop la pizza…
Le plat du jour qui sent bien trop le jour du plat…
Le tabac qui sent trop les relents de la clope…
Le hall de gare qui sent un peu trop l’interlope…
Le boucher baigne trop dans les odeurs de sang…
Le parfumeur lui-même aux effluves puissants.
Et la station service ? Elle sent trop le gasoil !
Et la fromagerie ? Elle sent trop le maroilles !
La terre sous la pluie schlingue le pétrichor
Et les banquiers d’affaires refoulent de l’offshore
Les casernes de pompiers sentent trop le roussi
Les parterres de fleurs sentent trop le souci
Le cabinet du psy sent trop le refoulé
Et que fait la police ? Elle sent trop le poulet.
Aux quatre vents tous les relents sont diffusés.
Appelons de nos voeux un monde aseptisé
Sans vie et sans remugle, invasion organique.
Mais le remède est bien connu, pas de panique !
Derrière nos portes closes, ne bougeons plus d’un pore
(Car chaque humain est pour un autre humain, un porc)
Le beau temps reviendra du grand confinement !
Vivement.

Jour 23

Mirliton Matin, rubrique encore un peu de nécrologie/car jour après jour les morts c’est la vie ! Gros François est mort et c’est triste.

François Hadji-Lazaro chantait :
« Je suis un pachyderme
Dont la race arrive à terme
Le seul survivant
Le dernier des éléphants
« 

Nous chantons pour lui :

Il était comme un éléphant
A la fois punk et bon enfant
Banjo violon ou vielle à roue
Voix de boucher, de loup-garou
Délicat comme une aubépine
Poussée dans une Doc Martens
L’était multi-instrumentiste
Hardcore et chanteur réaliste
Fils des Ramones et de Fréhel
D’Édith Piaf et des Hell’s Angels
Il était tendre et carnivore
Il a chanté Roland Topor
Il était étroit dans son corps
Il mérite un Mirliton d’or
C’est un Accordéon Hero
C’est François Hadji-Lazarro

Jour 24

Mirliton Matin, rubrique carnet rose !

Les deux prénoms les plus donnés au monde sont Marie et Mohamed, car nous plaçons obstinément nos enfants sous l’égide de deux figures imaginaires, surnaturelles et bénies, une sainte vierge et un prophète, afin de confier le destin des marmots à la protection de la grâce divine.

Mohammed et Marie
Sont deux prénoms bénis
Marie et Mohammed
Leurs noms sont des remèdes
Mohammed et Marie
Nos nouveaux-nés chéris
Marie et Mohammed
Le ciel nous vienne en aide

Nos noms sont des présages
Des ressources fossiles
Nos noms sont des mirages
Paroles d’évangiles
Nos noms feront des cages
Décorées avec style
L’obscurantisme enrage
Depuis l’état civil

Quelques exemples historiques :

  • Marie Tudor (1516-1558), Reine d’Angleterre, dite « Bloody Mary », tyran sanguinaire ayant fait exécuter ou persécuter des centaines d’opposants ;
  • Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz al-Saoud (1985-), dit MBS, dit « le prince meurtrier », prince héritier et premier ministre d’Arabie saoudite, autre tyran sanguinaire ayant fait exécuter ou persécuter des centaines d’opposants ;
  • Marie Besnard (1896-1980), dite « la bonne dame de Loudun », tueuse en série, 12 victimes au compteur ;
  • Mohammed Mera (1988-2012) dit « Le tueur au scooter », terroriste, 7 morts et 6 blessés ;
  • Marie Becker (1879-1942), empoisonneuse belge, dite « L’empoisonneuse du siècle », « la veuve Becker », « la veuve noire », « the Belgian Borgia », 11 personnes assassinées ;
  • Mohamed Lahouaiej-Bouhlel (1985-) dit « Momo », conducteur du camion poids-lourd de 19 tonnes ayant foncé dans la foule sur la promenade des Anglais (Nice) le 14 juillet 2016, 86 morts et 458 blessés ;
  • etc.

Jour 25

Alerte Mirliton ! L’étrange affaire de la montagne de spaghetti du New Jersey a suscité la curiosité de Mirliton Matin qui a immédiatement dépêché sur place ses plus brillants reporters.

Mystérieuse pasta au cœur du New Jersey !
Des spaghetti, macaroni, et coquillettes
Ont surgi du néant, en plein terrain boisé !
On parle de 300 kilos et des brouettes.

Comment interpréter la présence incongrue
De ces monceaux de pâtes, cuites (et non pas crues) ?
Oui, « Little Italy » se trouve à quelques rues
À peine des sous-bois où la masse apparut…

Pour autant, faudrait-il accuser les ritals ?
Ce serait préjugés, et discrimination !
Car malgré leur cuisine et leur accent natal,
Les Italiens suspects ne font que diversion.

Nous avons, quant à nous, une autre théorie.
Cet amas de pasta serait pur terrorisme !
Provocation de militants ! Piraterie !
L’acte semble signé : c’est… le pastafarisme.

La religion du monstre en spaghetti volant
A encore frappé ! Pour marquer les esprits,
Pour prouver que SON dieu est le seul tout puissant,
Elle égoutte ses pâtes en forêt, puis les prie !

(Vous voulez plus d’infos sur les pastafariens ?
Voyez Wikipedia. Je vous en prie. De rien.
)

Jour 25

Mirliton Matin, rubrique rituel républicain !

Le vote personnel à bulletin secret
Est en démocratie un principe sacré.
Nul ne doit dévoiler, fût-ce à sa propre femme
Son intention de vote ou son choix de programme.
D’aucun s’agacerait de ces cachotteries…
Mais de là à en faire un prétexte à tuerie !
Régler un contentieux à coups de fusil d’chasse
Est anti-démocrate, et même dégueulasse :
En politique il n’est rien de plus salissant
Que de pousser un grand principe jusqu’au sang.
Et qui va nettoyer le cerveau sur les murs ?
Pas les élus, préoccupés d’investiture !
Mais les petites mains des humbles ouvriers !
(J’en ai déjà trop dit, votez qui vous voudrez.)

Jour 27 et final

Capture d’écran « Les articles les plus lus de la semaine sur lemonde.fr » .

Mirliton Matin, rubrique un dernier pour la route et après ça babaille ! Toujours la même actu depuis que l’actu existe : la guerre, le sexe et Dieu.

Nous étions Mirliton un jour,
Nous serons Mirliton toujours !
Les préoccupations des hommes
Ne changent presque pas en somme.
Depuis toujours s’affiche en une
La même actu, lune après lune
Après l’autre, au tiercé dans l’ordre,
Sempiternel et sans démordre :
La guerre ! Et le sexe ! Et les dieux !
C’est tout, depuis qu’le monde est vieux.
« Rien de neuf » selon l’Ecclésiaste.
Il nous faut crier ici « Baste »
Fermer l’ordi et le journal
Prendre l’air ou jouer à la balle.

Coda

Dernier appel des voyageurs avant le stage création de chansons ! Dans l’hymne ci-dessous, le romain est Fabrice Vigne, l’italique est Marie Mazille.

Avisse à la population
Stage création de chansons
(Pas seulement des mirlitons)
C’est notre seconde session
et tout ça en demi-tons-tons

À Marie Mazille et mézigue
Le mois d’avril sera prodigue
Bourgoin-Jallieu nœud de l’intrigue
As-tu du cœur ou quoi, Rodrigue ?
Votre inspiration ? Edvard Grieg !

Pour les beaux yeux de Mydriase
Écarquillés durant l’extase
Avec des notes avec des phrases
À vous de pas louper l’occase
en do majeur (oui, c’est la base !)

Inscrivez-vous, on y est presque
Ce sera au moins romanesque
Ou pittoresque ou titanesque
Un peu grotesque un peu burlesque
Grosso-modo rocambolesque
Carnavalesque etceteresque
do ré mi fa en arabesque

Le complotisme est un rapport au monde

08/02/2023 Aucun commentaire

« Toujours préférer l’hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante, le complot exige un esprit rare. » Ce principe de précaution politique attribué à Michel Rocard, facile à trouver en ligne mais difficile à sourcer (quand, où, pourquoi Rocard a-t-il prononcé cette phrase ? on ne sait pas ! c’est louche !) semble une paraphrase du célèbre rasoir d’Hanlon qui lui, en revanche, est fort bien documenté : « Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer », et youpi.

Reste que les théories du complot existent (les complots aussi, quoiqu’un peu plus rarement), qu’elles ont même tendance à pulluler à la faveur d’un climat favorable et constituent un phénomène imaginaire très fertile, machines à histoires, fictions en marche, sensibilités exacerbées, élucubrations créatives, pelotes déroulées jusqu’au délire, exégèses infinie et sauvages à partir des moindres signes (par exemple d’une série de chiffres, y compris de chiffres attribués aléatoirement tel un numéro d’ISBN), apophénie parade, source intarissable de fascination et de griserie. Qui mérite bien qu’on lui consacre un livre, voire un millier. J’ai fait ma part, j’ai écrit le mien. Je lui ai donné la forme d’une blague politique de veine un peu comparable à Fatale spirale. Il s’appelle La théorie de la compote (j’ai hésité quelques secondes, je l’avoue, avec La théorie du compost), il paraîtra le 19 mai prochain (19, date intéressante parce que 1+9= 10, le un et le zéro, hum-hum, belote, disons, d’autant que mai 23 = 05.23 = 0+5+2+3 = 10, hum-hum les indices se recoupent) chez l’Atelier du Poisson soluble, et youpi.

Le Poisson soluble et moi, on se tourne autour depuis des lustres, on se cherche, on se renifle, on s’examine. Il aime ce que je fais, j’aime ce qu’il fait, il fallait bien que quelque jour nous concrétisions et apposions nos deux noms, non sur un parchemin mais sur une couverture. La Compote reposait dans un placard depuis des années, c’est le moment, elle est mûre, elle sort et youpi.

Le Poisson soluble est un éditeur étiqueté jeunesse, par conséquent ce livre va tomber sous le coup des mêmes malentendus que certains de mes précédents, avec la question pénible en épée de Damoclès : à qui ça s’adresse ? Idéal à 10 ans ? à 19 ans ? 28 ? 37 ? 46 ? Oh la la. J’ai une infinie gratitude à Olivier Belhomme, éditeur, de ne pas me l’avoir posée une seule fois durant tout le processus de création, et youpi.

Il s’agit de mon 22e livre et de mon 6e éditeur (je ne compte pas le Fond du Tiroir parmi mes éditeurs). Hum hum. Attends je recompte, suis-moi bien. J’additionne les livres et les éditeurs, 22 + 6 = 28. Et 2 + 8 = 10. Hum-hum. Rebelote : le un et le zéro. Et youpi.

Ce livre a pour numéro d’ISBN 978-2-35871-181-4 (indéniablement l’un des plus beaux numéros d’ISBN du monde, ex-æquo). Or si l’on ajoute tous les nombres qui le composent on obtient 64, et (suis-moi toujours) 6 + 4 = 10 ! Encore 10 ! Carrément 10 de der, un et zéro, soit les deux seuls caractères de l’alphabet universel et numérique permettant de tout exprimer, le oui et le non, le vrai et le faux, l’être et le néant, le plein et le vide, le tout et le rien, le singulier et le grand saut, le yin et le yang, la vie et la mort, l’absolu et la case départ, l’exigence et l’opiniâtreté, le mur et la fenêtre, le confit de canard et le steak de tofu, le poisson et le soluble, la compote et la théorie, le passé et le futur, en un mot (plutôt en deux) ce numéro d’ISBN est le signe, peut-être même la preuve, que ce livre marque un changement de cycle et d’ère et d’énergie. Et youpi.


(Pour lire une autre hypothèse sur le contraire de un, c’est par ici)

(Pour lire une autre obsession numérologique, cf. Le Produit de ses fouilles in Voulez-vous effacer/archiver ces messages ?)

« Grand soldat » = oxymore

07/02/2023 Aucun commentaire

Les nominations aux Oscars 2023 viennent de tomber. À l’Ouest, rien de nouveau d’Edward Berger est en lice pour 9 récompenses ; Top Gun: Maverick pour 6, et Avatar La voie de l’eau pour 4. Tous trois concourent pour le prix du meilleur film. Trois films de guerre, d’une manière ou d’une autre, documentée ou fictive. Le film de guerre se porte bien. Sans doute parce que la guerre se porte bien.

Depuis que le cinéma existe, il n’y a toujours eu que deux sortes de films de guerre : les films de propagande et les films pacifistes (distinction applicable également aux romans de guerre, depuis que la littérature existe). Les films de propagande mettent en scène des héros, des grands soldats qui mènent une guerre juste, noble, et qui généralement gagnent à la fin ; les films pacifistes mettent en scène des soldats ni grands ni petits, de simples humains paumés dans une guerre violente, sale, moche, absurde, et souvent ils meurent à la fin. D’un côté le divertissement droit dans ses rangers et fleur au fusil, de l’autre le pamphlet ou le reportage, la tragédie et les charniers. Il va de soi que les films de la seconde catégorie sont plus réalistes que ceux de la première.

On rangera évidemment À l’Ouest, rien de nouveau dans la catégorie des films de guerre pacifistes qui plongent son spectateur dans la boue et le sang, l’écoeurent et l’indignent et lui donnent envie de fuir l’uniforme ; Top Gun et Avatar entrent dans la catégorie des films de guerre de propagande qui fouettent les nerfs, s’adressent aux sensations, présentent la guerre comme un trépident manège de foire, et donnent envie de s’enrôler dans le bureau de recrutement le plus proche.

Il convient de souligner que la Première Guerre Mondiale est la plus propice à inspirer des films de la catégorie pacifiste, dénués de tout esprit nationaliste va-t-en-guerre, et ce immédiatement après l’armistice, dès 1919 avec J’accuse d’Abel Gance (puis la liste est longue : La Grande illusion de Renoir, Les sentiers de la gloire de Kubrick, Johnny s’en va-t-en guerre de Trumbo, La vie et rien d’autre de Tavernier…) et qu’elle est assez peu susceptible d’engendrer des fictions de propagande vantant la noblesse des armes. Pour une raison simple : cette Première, bien mal surnommée Der des Ders, est indéniablement et de quelque côté qu’on la prenne, sale, moche, absurde, débile, et il y est fort malcommode de distinguer gentils et méchants. Idem les romans qui, pour partie, ont inspiré les films : À l’Ouest, rien de nouveau (Erich Maria Remarque, 1929), Les Croix de bois (Dorgelès, 1919), ou Voyage au bout de la nuit (Céline, 1932) (1) sont des romans sur la Première Guerre Mondiale écrits par ceux qui l’ont vécue ; qu’ils soient français ou allemands n’a pas tellement d’importance, puisque les tranchées étaient à peu près les mêmes des deux côtés du front et ces oeuvres, éminemment antimilitaristes, sont absolument dénuées de patriotisme ou d’héroïsation de ses protagonistes.

La Seconde Guerre Mondiale, a contrario, fait émerger beaucoup plus naturellement le camp des gentils et celui des méchants, héros et vilains pour parler comme un film Marvel, et si l’on s’en tient à la dichotomie ci-dessus, a engendré infiniment plus de films de propagande que de films pacifistes : Le Jour le plus long (1962) pour ne prendre qu’un exemple entre mille, montre les gentils alliés triompher des méchants nazis et doit, malgré qu’on en a, être rangé parmi les films de propagande où les héros gagnent à la fin. Ceci est d’autant plus difficile à écrire pour moi que, comme tout le monde (à l’exception de quelques dangereux extrémistes infréquentables) je suis convaincu que les alliés sont gentils et les nazis méchants et, mes deux grands-pères ayant été, chacun à sa manière, engagés dans la Résistance, je me suis toujours senti du bon côté. Ce n’est pas une raison pour rejeter la distinction, toujours opérante même dans le cas d’une guerre que je juge personnellement juste, entre les films pacifistes (où la guerre est une horreur) et les films de propagande (où la guerre est une épreuve désirable, qui sera remportée par les gentils grâce à une justice providentielle et le sens de l’Histoire).

Les guerres se poursuivent, et le cinéma guerrier aussi : je songe qu’en ce moment même, ou très bientôt, la Russie et l’Ukraine produisent et produiront leurs propagandes… Et plus tard, peut-être, leurs pacifismes.

Mais revenons à ce À l’Ouest, rien de nouveau, troisième adaptation cinématographique du roman de Remarque, et toute première produite par des Allemands, en langue allemande. Son réalisateur, Edward Berger, n’a pas manqué de rappeler que les Allemands n’ont pas le même rapport à la guerre que les citoyens des autres nations : en 1945 ils ont intégré la honte et la haine de soi nationales, qui les ont sans doute rendus, tels des individus violents reconditionnés de force par quelque « méthode Ludovico » , incapables de se compromettre dans la catégorie du film de propagande, où la guerre est héroïsée et sexy. C’était bien à eux de réaliser cette nouvelle version du film pacifiste, comme un retour à la maison, ou un mythe fondateur de nouveau raconté. Mission accomplie, à merveille. À l’Ouest, rien de nouveau version 2022 est un tour de force toujours nécessaire et toujours dérisoire.

Deux réflexions subsidiaires :

– On peut toujours dire du mal de l’Union européenne, ouais, ouais, on peut en dire du mal puisqu’elle a bien des défauts et qu’elle fait parfois de la merde (exemple récent : elle se laisse facilement impressionner et corrompre par les pétrodollars qatariens). N’empêche que si elle est née, c’est suite aux deux suicides européens (1914-1918 : 17 millions de morts ; 1939-1945 : 20 millions de morts), et qu’elle tente depuis d’accomplir une mission pacifiste, elle tente d’empêcher l’Europe de se suicider en prenant de cours les nationalismes débilitants et les hécatombes (faut-il rappeler l’imparable slogan de François Mitterrand, Le nationalisme c’est la guerre ?). Merci à l’Union européenne, entité transnationale. Elle est aussi peu glamour qu’un film de guerre pacifiste face à un Top Gun ou un Avatar. On ne lui décernera pas d’Oscar. Mais la candidature de l’Ukraine à l’Union européenne fait sens.

– On peut toujours dire du mal de Netflix, ouais, ouais, on peut en dire du mal puisqu’il a bien des défauts et qu’il fait parfois de la merde. N’empêche que c’est Netflix qui a donné (a rendu) à un Allemand, et en quelque sorte à l’Allemagne, pays où l’industrie cinématographique est en ruine, les moyens de réaliser ce film allemand et anti-nationaliste, utile peut-être au monde entier. Merci à Netflix, entité transnationale.


(1) – « – Oh ! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand ! Vous êtes répugnant comme un rat… 
– Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu’il y a dedans… Je ne la déplore pas moi… Je ne me résigne pas moi… Je ne pleurniche pas dessus moi… Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu’elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c’est eux qui ont tort, Lola, et c’est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir. »
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit