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Bravo Bravo

20/03/2022 Aucun commentaire

Le palmarès du festival d’Angoulême est tombé. Ce que j’y trouve de plus délicieux à mon goût, à part évidemment l’extraordinaire et inespéré grand prix décerné à Julie Doucet (un peu comme si on attribuait le Goncourt à Jean-Louis Costes ou à un écrivain punk du même tonneau, pour qui la littérature ne serait qu’un moyen parmi d’autres, et pas forcément le meilleur, de tout faire péter), est le prix de la série remis à Émile Bravo pour Spirou, l’espoir malgré tout.

Cette reprise de Spirou, dans des histoires situées à l’époque et à l’endroit mêmes où le personnage a été inventé, soit Bruxelles à partir de 1938, est d’une intelligence renversante. Bravo n’a pas volé son prix : il est pertinent, émouvant, juste, drôle, romanesque, à la fois audacieux et pédagogue, il n’esquive jamais son sujet aussi complexe soit-il (c’est-à-dire la seconde guerre mondiale), et surtout il est PERSONNEL – contrairement à tant de repreneurs de héros de bédés, simples épigones, mercenaires embauchés pour du lamanièrdeu, le dernier en date étant Delaf reprenant Gaston Lagaffe afin de faire rentrer la caillasse chez Dupuis.

En outre, aspect secondaire mais tout-à-fait réjouissant, Émile Bravo bouffe du curé, dénonce l’hypocrisie religieuse, et ainsi fait un sort aux origines bigotes et boy-scouts de Spirou et des éditions de MM. Dupuis père et fils, Jean et Charles, catholiques pratiquants qui prenaient très au sérieux leur mission sacrée d’édification de la jeunesse chrétienne.

Je t’en donnerai, de l’édifiant ! Ci-dessus, un extrait de La loi du plus fort, bref prologue de toute la saga L’espoir malgré tout. Nous sommes en 1938, et le jeune Jean-Baptiste, orphelin adolescent qui n’a pas encore reçu son surnom de Spirou, est viré de son institution, victime expiatoire d’un scandale impliquant quelques curetons… On lui déniche à la va-vite un poste de groom au Moustic Hôtel et la véritable histoire peut débuter.

Dialogue dans la rue :

– C’est injuste, mon père ! Je suis innocent !
– Ah, l’innocence ! Mais l’innocence est tentatrice et de ce fait déjà coupable.

Pouah !

Contre toute attente, Émile Bravo est le second punk du palmarès d’Angoulême.