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Archives pour 01/2022

Il était temps que ça se termine/C’est la fin, c’est un autre commencement

30/01/2022 Aucun commentaire

30e et dernière ! Les pires choses aussi ont une fin !
Voici l’ultime saison de la Confine, comprenant les 4 derniers couplets, 105 à 108. Tous les fils se dénouent : la démence atteint son climax façon musique expérimentale sur France Musique à trois heures du mat… L’intrigue leitmotiv ma femme, sa farine et son amant trouve sa résolution… Et la porte s’ouvre enfin pour un choral des plus lumineux, suivi du générique de la fin finale.
Capucine Mazille (illustrations) / Marie Mazille (voix & textes) / Fabrice Vigne (textes et voix) / Franck Argentier (montage et animations vidéos) / Georges Bizet, Thilo Sacchettini, Pierre Marinet & John Dowland dit « Jean Téléchargement » (compositions originales scandaleusement outragées).

C’est terminé sur Youtube, merci à tous ceux qui ont suivi jusqu’à son terme cette aventure dingue durant près de deux ans… Mais vous pouvez découvrir plusieurs épisodes inédits, le prologue, l’épilogue, ainsi que divers bonus loufoques, sur le livre-DVD Au Premier Jour de la Confine (éditions le Fond du Tiroir) !

Et hier soir, vendredi 29 janvier 2022, nous avons donné, dans la joie et le bordel, un ciné-concert consacré à la seconde moitié, 14 mois après la première, de notre chanson interminable quoique terminée. La Confine est une école de patience. Sur scène : Mazille + Argentier + Vigne, ainsi que Christophe Sacchettini, Farid Bakli et special guest star pour un air de violon de moins d’une minute, Pierre Marinet. Maintenant nous attendons qu’une salle, un programmateur ou un particulier soit assez fou pour nous inviter à jouer l’intégrale.

Avant de nous séparer, veuillez écouter une dernière annonce d’intérêt public. Si vous aussi l’envie démange d’écrire, composer et chanter votre propre confine (ou, tant qu’à faire, plutôt autre chose, car y’en a bien tôt marre de la confine), sachez que l’association Mydriase organise ce printemps un atelier d’écriture de chansons avec Marie Mazille et Fabrice Vigne ! Le stage se tiendra du 24 au 30 avril 2022 (pendant les vacances de Pâques) à la MFR La Grive de Bourgoin-Jallieu (38).

Peace & love & système immunitaire,

Marie, Capucine, Franck & Fabrice

Petits dieux fictifs

25/01/2022 Aucun commentaire
(photo par Laurence Menu : Carine d’Inca, Susie, Katy Feinstein)

Suite à la visite de Susie Morgenstern à Grenoble , j’ai lu son dernier, Mes 18 exils, autobiographie en 18 déchirements. Lire du Susie procure toujours grand plaisir, rafraîchit et revigore les intérieurs comme une eau de source, renforce les défenses immunitaires, console de bien des méchants, des idiots, des cyniques, des gougnafiers.

Ce livre-ci pourrait être son dernier (ce qui ne l’empêchera pas d’en publier de nombreux autres) puisque, sans vouloir spoiler quiconque, elle y parle in fine de la mort : la lumineuse Susie, si douée pour la vie, envisage sa mort dans ses insomnies et dans le dernier chapitre. Elle rédige ainsi son épitaphe : « Mère, grand-mère, écrivain. Elle a fait de grands efforts dans les limites de son possible. A aimé la vie ! »

Le Fond du tiroir étant toujours obsédé par les rapports entre la religion et le reste de la culture, je prélève à votre attention cet extrait du livre, Exil 5 : être juive :

« De mon école juive, la yeshiva, que j’adorai dès mes dix ans, je conserve l’image du directeur, M. Schloss, en haut de l’escalier, qui criait mon nom comme Dieu appelle Moïse sur le mont Sinaï, chaque fois que j’étais prise en flagrant délit de retard pour les prières du matin. Je détestais ces prières léchant le cul d’un dieu invisible, un dieu fictif pour moi. J’avais beaucoup d’autres petits dieux fictifs, les héros de mes livres. Je refusais de le remercier vingt mille fois pour des services non rendus, comme nourrir les affamés, guérir les malades et ressusciter les morts. Les garçons ânonnaient « Merci de ne pas m’avoir fait femme » et les filles « Merci de m’avoir fait selon ta volonté ». Pourtant, j’enviais mes copines profondément religieuses. »
Mes 18 exils, p. 87

Je passe pudiquement sur le pur scandale que constituent les différences entre les prières bleues pour les garçons (apprends la fierté, mon gars !) et les prières roses pour les filles (apprends la honte, pisseuse !)… Et je me réjouis spécialement de la perspective du « dieu fictif » aligné sur les autres créatures littéraires : l’aligner ainsi N’EST PAS LUI FAIRE OFFENSE (j’écris en majuscules car c’est là une idée propre au Fond du Tiroir, je ne prétends pas que Susie la partage), c’est autant l’abaisser vers le trivial que hisser les autres personnages vers le sublime, parce que je reconnais volontiers que Dieu est une matière à penser aussi géniale qu’Ulysse, Jean Valjean, Anna Karénine, Kirikou, Nanabozo ou Spider-Man. Que serions-nous sans eux ?

Martelons la phrase-mantra de Jorge-Luis Borges : « La métaphysique est une branche de la littérature fantastique ».

Pas un chef d’oeuvre, une oeuvre

19/01/2022 Aucun commentaire

Edmond Baudoin effleure de son pinceau les 80 balais de sa vie. Certes il fait des livres mais il suit surtout sa route (son « chemin de Saint-Jean ») et compose une œuvre globale où chaque livre, chaque dessin même, prolonge le précédent.
Pourtant, cela devait bien finir par arriver un jour, son dernier opus ressemble à une somme testamentaire : Fleurs de cimetière (L’Association, 2020, près de 300 pages).

Pas un chef d’oeuvre (Baudoin ne croit pas aux chefs d’oeuvre : « Vivre, c’est faire une suite d’esquisses de croquis, la vie elle-même est un brouillon de vie« ), mieux que ça : un trésor.
Une merveille de poésie à l’œuvre, d’autobiographie au trait et parfois en couleurs, de recherche et d’assemblage, de vie contre la mort. Chaque dessin de Baudoin m’aide à mieux regarder, chaque texte de Baudoin m’aide à mieux penser, ou rêver. Je sélectionne ici, pas vraiment au hasard, la double-page 108-109 (pour agrandir : clic droit, ouvrir l’image).

Et pour passer 1h20 en compagnie de Baudoin, on peut regarder le documentaire que lui a consacré Laetitia Carton, Edmond, un portrait de Baudoin. Promis, ce sera 1h20 plus pleine et meilleure que n’importe quelle autre 1h20 sans Baudoin.

La Confine, suite et fin

13/01/2022 Aucun commentaire

Jouez hautbois, sonnez trompettes, tintez clarines ! / Et vous tambours, à vos baguettes et à vos roulements !
Car cette fois elle est bien là notre Confine ! / Elle court et vole et suit son acheminement !

Chers amis de la Confine, chers patients souscripteurs de l’Ulule, ceci est comme promis notre ultime et joyeuse newsletter.

Car oui, nous y sommes, nous avons enfin recueilli et assemblé les pièces du puzzle, le livre, le marque-page, le DVD, les divers bonus pour qui les voulait, les enveloppes, les timbres ! L’objet composite et pimpant est prêt à vous être expédié emballé dans nos remerciements, nos regrets pour le retard, et nos vœux de bonnannée.

Nous soignons les paquets un par un et expédions à mesure. Une quinzaine d’entre vous sont déjà servis, les autres n’ont plus qu’à surveiller le facteur. Nous espérons que vous serez aussi heureux que nous, c’est-à-dire très.

Bien sûr, pendant ce temps la Confine, machine folle indifférente à nos joies et nos peines, continue de tailler sa route sur Youtube et c’est… la saison 29 et antépénultième qui déboule !

Une saison à nulle autre pareille qui s’achève en douceur sur un couplet ASMR (Marie et Franck vous susurrent leur conseils de détente pendant le confinement), et qui surtout bénéficie, en invité d’honneur, de M. Patrick Reboud ! Voici pourquoi : comme, pour des raisons sentimentales, nous n’aurions pour rien au monde omis une certaine rime en ine, Patrick nous a gracieusement prêté, sur trois couplets, la splendide musique qu’il a consacrée à la fée Mélusine.

Certes, le titre complet de l’œuvre que Patrick composa en 2009 pour orchestre et chœur, Mélusine, la neuvième vague, résonne de façon un peu sinistre aujourd’hui, oiseau de mauvais augure pour les raisons que nous redoutons tous… Tant pis ! Quelle mélodie formidable et intemporelle ! Merci Patrick.

Dernière nouvelle capitale : Marie, Franck, Fabrice et quelques invités donneront un concert, la Confine live, le vendredi 28 janvier 2022 à 20h, afin de célébrer dignement la sortie du petit livre rouge. L’événement aura lieu en appartement, chez Marie, à Grenoble. Jauge évidemment étroite. Vous souhaitez en être ? En profiter pour récupérer votre exemplaire et en acheter un carton pour tous vos amis ? Contactez-nous par tous les moyens à votre disposition !

Portez-vous bien,

Marie Mazille, Capucine Mazille, Franck Argentier & Fabrice Vigne

In Situ Babel (2019-2021 et un peu 2022)

08/01/2022 un commentaire

La résidence In Situ Babel du collectif MusTraDem à Annemasse-agglo (74) s’achèvera dans quelques jours, par une grande fiesta sur scène avec le maximum de participants autorisés par le contexte (c’est-à-dire pas tant que ça mais rien que des bons), infos ici… Ainsi que par la distribution du livre-souvenir, carnet à spirale gratuit et hors commerce, réalisé pour l’occasion et pour lequel j’ai eu l’honneur, à la fois solennel et pas désagréable, de rédiger la préface ci-dessous.

In Situ Babel : ici, maintenant, et sur le papier

In Situ Babel ?
Tel est le nom de code attribué à la résidence triennale, de 2019 à 2021, menée par le collectif MusTraDem sur le territoire d’Annemasse Agglo, et plus précisément sur les quartiers impliqués par les projets « politique de la ville » : Perrier / Livron / Château Rouge (Annemasse), Chalet / Helvétia Park (Gaillard), ainsi que les Quartiers de Veille Active situés à Annemasse, Ambilly et Ville-la-Grand.
Les objectifs en étaient très clairement définis, dans un cahier des charges mêlant esthétique et politique : créer un objet artistique porteur de valeur intrinsèque ; créer du lien social ; valoriser les droits culturels ; croiser pratiques amateurs et professionnelles, et améliorer l’autonomie des participants vis-à-vis de la pratique artistique ; participer au désenclavement des équipements culturels, à leur ouverture en direction des populations ; fluidifier les liens entre mémoire individuelle et collectives ; in fine, entretenir et inventer une « mémoire vivante », une mémoire de territoire.
Cette vertueuse énumération d’engagements, à laquelle les chantiers menés resteraient certes fidèles, est néanmoins sévère comme une série de statistiques au beau milieu d’un rapport administratif. Il y manque la joie, le rire, la poésie…. Le plaisir de la rencontre… Celui de la création qui est au fond de même nature puisqu’il fait advenir ce qui n’existait pas encore… Enfin le plaisir des mots pour faire le lien, tous les liens.
In situ : deux mots pour affirmer que nous agissons sur place, ici et maintenant.
Babel : un seul mot pour faire l’éloge de la multiplicité des langues, chacune étant à la fois un outil et un bien commun (nous aurions l’occasion de découvrir que le nombre de langues parlées à Annemasse est stupéfiant !), l’éloge aussi de la mise en commun, de l’effort collectif jusqu’à toucher le ciel. Un seul mot mais qui, comme dans la fameuse nouvelle de Borges, La Bibliothèque de Babel, contient tous les autres, passés ou à venir, réels ou virtuels, connus ou encore à inventer. En présentiel ou en visio.
Toutefois, lorsque la fine équipe, instruments en bandoulière, sillonnait les quartiers de l’agglomération, les écoles, collèges et lycées, médiathèques et MJC, salles de spectacles et conservatoires, lieux de vie associatifs ou instances de médiation, place publique, musée ou atelier de lutherie… on ne disait pas sur son passage, Tiens, voilà In Situ Babel, mais bien, Tiens, voilà MusTraDem. Car le nom du collectif est lui aussi porteur d’images et de symboles éloquents : la Musique Traditionnelle de Demain est celle qui s’invente avec tous les hiers et pour tous les demains, avec les forces en présences, les envies, les talents, les énergies, les bonnes volontés et toutes les langues bien sûr. Peut-être qu’il en a toujours été ainsi de la musique, tradition collective infiniment plus ancienne que l’invention de l’adjectif participatif.
Pour mémoire, MusTraDem a été fondé voici 30 ans à Grenoble, par quelques musiciens intrépides lancés dans des recherches esthétiques à partir des musiques traditionnelles de divers horizons, sans jamais oublier de donner un bal en fin de journée, comme pour faire valider leur travail par les pieds des danseurs.
En 2013, MusTraDem s’est réinventé en créant une autre forme d’engagement, plus directement connecté à la population locale, invitée littéralement à partager la scène : c’est le projet In Situ, dont le prototype s’est tenu dans le quartier Villeneuve à Grenoble. D’autres ont suivi, à géométrie variable…
Jusqu’à celui-ci, ce Babel-Annemasse qui était bien parti pour être le plus long, le plus ambitieux, le plus touffu, le plus polymorphe, le plus enthousiasmant… Sauf que, sauf que… Patatras ! Alors que la résidence, en vitesse de croisière, l’agenda chargé de dates et de projets, entamait son 15e mois et s’approchait fièrement de son mi-parcours… Le 17 mars 2020, un mur. Premier jour du premier confinement lié à la pandémie de Covid-19. Comment être In Situ lorsqu’on est contraint de rester enfermé chez soi ? Reports et annulations en cascade… L’une des activités principales des artistes durant ces jours moroses était de construire des plannings annulés la semaine suivante. Certes nous avons maintenu ce qu’il était possible de maintenir, quelques rares ateliers d’écriture de chansons ont bien eu lieu à distance… Mais, même quand les interventions physiques ont pu reprendre, la résidence dans sa globalité en était perturbée et mise à mal. Notamment, toutes les restitutions, les concerts et scènes ouvertes étaient compromises, ou du moins compliquées.
C’est alors qu’est née l’idée de ce petit recueil souvenir : ce liv(r)e, cette restitution de papier se substituerait tant bien que mal aux restitutions live qui n’auraient pas lieu en 2020 et 2021. D’autres solutions parallèles ont été trouvées, et notamment un formidable feuilleton documentaire, aux bon soin du collectif Les Veilles.
Vous trouverez dans les pages qui suivent de nombreuses traces de la résidence de trois ans qui, quoique parfois chaotique, a su rester fertile : des paroles de chansons, des partitions, des témoignages, des dessins et des photos. Vous remarquerez que certaines de celles-ci ont été prises à l’époque bienheureuse où l’on vivait sans masques. Quant aux autres clichés, plus récents, ma foi, un peu d’imagination vous suffira pour faire apparaître les sourires cachés.

Fabrice Vigne (président)
pour le collectif MusTraDem
30 octobre 2021

Équipe MusTraDem/In Situ Babel :
Marie Mazille, Norbet Pignol, Patrick Reboud, Christophe Sacchettini – musiciens
Léa Dessenne – chanteuse (2021)
Fabrice Vigne – écrivain (2019-2020)
Marie Mazille, Cjristophe Sacchettini, Fabrice Vigne, Jean-Pierre Sarzier – réalisation du livre

Les chansons peuvent être écoutées sous ce lien, playlist In Situ Babel.

Une ruine pathétique (Dossier M, zéro)

06/01/2022 Aucun commentaire

En ce moment je lis Grégoire Bouillier. C’est très bon, Grégoire Bouillier. Son monumental Dossier M, que je n’ai fait qu’aborder du bout des yeux tellement il m’impressionne, je tourne autour, je relis la première page, le premier niveau, la première partie du premier livre… Bref je renâcle, sachant que la somme me tiendra plusieurs mois ; ainsi que, à l’opposé mais dans la continuité, son ultrabref Charlot déprime (anagramme de L’Arc de Triomphe) que j’ai avalé d’une traite, conscient déjà que tout ce que Bouillier écrira et publiera désormais pourra être considéré comme une annexe à son grand-œuvre lui-même regorgeant de digressions, une pièce supplémentaire ajoutée au Dossier.

Ainsi, ce Charlot déprime est un reportage d’immersion dans les manifs de Gilets Jaunes en 2018, ex-texte d’actualité déjà devenu une source historique, écrit sur le vif, énergique et cependant très réflexif, si tant est qu’on puisse réfléchir en courant pour fuir les lacrymos : Bouillier ne manque pas de se comparer à Fabrice à Waterloo (1).

Je relève ce paragraphe :

Tiens, un petit groupe de gilets jaunes diffusent sur un radiocassette Hexagone de Renaud. Le son est pourri. Il vient des années 1980, lorsque la droite mettait en place sa révolution ultra-libérale et que la gauche n’était pas encore ce qu’est devenu Renaud : une ruine pathétique. N’empêche, cela fait un peu de musique. Même si, dans cette ambiance plutôt sépulcrale, cela a quelque chose d’incongru. De malvenu presque. De paradoxal aussi puisque cette chanson claironne que « si le roi des cons perdait son trône, y aurait cinquante millions de prétendants » .

Or justement dans ce même temps gorgé de synchronicités j’écoute par hasard un double album de reprises de Renaud, La Bande à Renaud par Lavilliers, Arno, Arthur H, Biolay, Olivia Ruiz, Thiéfaine, Nicolas Sirkis (c’est d’ailleurs lui qui courageusement se coltine Hexagone), etc., et voilà une occasion magnifique de se souvenir qu’avant d’être une ruine pathétique, un has-been alcoolique et embrasseur de flics, Renaud a été un chanteur génial. L’entendre par d’autres voix permet de l’entendre, ni plus ni moins. Manu, Deuxième génération, Miss Maggie, P’tite conne, La mère à Titi, Son bleu, Dans mon HLM, Adieu Minette, Je suis une bande de jeunes, Où c’est qu’j’ai mis mon flingue… Ouh la la, ça en fait des putains de chansons fabuleuses, vibrantes, poing-dans-la-gueule, nécessaires et drôles ! N’eût-il écrit qu’une seule de toutes celles-là, Renaud mériterait de n’être pas oublié (2).

Mais si Bouillier traite Renaud de ruine pathétique c’est uniquement à titre de comparaison avec la gauche actuelle, c’est bien elle qu’il souhaite insulter… Que faudrait-il faire pour, de la même manière, sauver notre gauche de l’oubli, la réhabiliter, (lui) rappeler son énergie passée ? Un album tribute, une collection de reprises de discours de personnes autrefois décentes, courageuses et respectables, par les minables margoulins et cadors en foire d’empoigne de 2021 ? Imagine un peu la gueule de la compilation, Les meilleurs discours de Jean Jaurès par Jean-Luc Mélenchon, Jérôme Cahuzac chante Pierre Mendès-France

Et puisque je cause ici de chansons, j’ajoute une chose en changeant presque de sujet :

Michel Kemper, qui n’est pas le premier venu, ex-journaliste de Chorus et actuel animateur de Nos Enchanteurs, vient de rendre public son palmarès annuel. Pour lui, le disque de l’année 2021, c’est À la verticale, à l’horizontale d’Adeline Guéret et marie Mazille. Nous autres, qui avons trimé dessus, nous n’apprenons rien, sans vouloir nous vanter… nous le savons déjà que c’est le disque de l’année… Mais découvrir que d’autres, et pas tout-à-fait n’importe quels autres, le savent aussi, fait grand plaisir.
Encore bravo Adeline et Marie ! Et bonne année dernière et bonne année prochaine !


(1) – Attention, toutefois. Ce livre est bien moins premier-degré qu’il n’y paraît car il est bicéphale, composé de deux parties en miroir, ainsi que Mulholland Drive ou Une sale Histoire. Charlot déprime est suivi d’Un rêve de Charlot, long et palpitant récit onirique fourmillant d’images sensibles et politiques, puisées dans le premier volet et recomposées à la faveur de la nuit – on y entrevoit notamment des mises en scène cruelles de luttes des classes, de jeux de pouvoir sadiques dignes de la série Squid Game, pourtant tournée plusieurs années plus tard mais l’imagination est à tout le monde. La conclusion est admirable, le rêve donne la leçon que le reportage gonzo était incapable de formuler. Bouillier fait la démonstration simple mais implacable d’une idée que je serine sur ce blog depuis des années : l’homothétie entre l’écriture et le rêve. Écrire c’est rêver les yeux ouverts, rêver c’est écrire les yeux fermés. Laquelle des deux moitiés de son livre est la plus écrite ?
(2) – En tout état de cause, Renaud réapparaît dans Un rêve de Charlot, versant nocturne : « Mais j’aperçois soudain Renaud (le chanteur). Zut ! Trop tard. Il m’a vu et je me sens obligé de lui adresser un petit geste de la main. En retour, il me vise avec deux doigts et fait mine de me tirer dessus avec un révolver. Je tourne vivement les talons, me dirigeant dans la direction opposée.« 

Tous nos vœux de Confine (et pas de confinement)

02/01/2022 Aucun commentaire
(Fabrice et Marie, dans un état second depuis qu’ils ont découvert au pied du sapin les premiers exemplaires d’Au Premier Jour de la Confine, le livre-DVD. On aperçoit au-dessus d’eux, au mur, un magnifique tableau signé Capucine qui, lui, a su rester stoïque.)

Nous l’avons ! Enfin, nous l’avons presque. Nous l’avons à moitié. Disons que sur Au Premier Jour de la Confine le livre-DVD, nous avons le livre et pas encore tout-à-fait le DVD.

Chers amis de la Confine et impatients souscripteurs de la campagne Ulule,

Nous vous adressons nos meilleurs voeux pour 2022, et naturellement, meilleurs voeux signifie que de tous nos quatre coeurs nous vous souhaitons la Confine et non le (re-)confinement.

Voici l’état d’avancement du projet : ces trois dernières semaines nous nous étions résignés à observer, fatalistes, qui, de l’imprimeur du livre ou bien du presseur du DVD (message personnel à mon correcteur orthographique : presseur, oui, merci, dresseur de DVD est amusant mais ne veut rien dire) serait le plus en retard ou le plus encovidé en cette période chaotique. Finalement, nous avons récupéré le livre en premier (cf. le cliché compromettant ci-dessus, un peu flou, c’est la faute aux paparazzi). Le DVD arrive incessamment, c’est une question de jour, voire d’heure, et ensuite nous procèderons aux envois.

En attendant, pour nous occuper les mains, nous avons fignolé les divers bonus à l’attention des souscripteurs des versions augmentées. Parmi lesquels, La Confine par Victor Hugo est très joli, cousu à la main par Marie, tandis que le bonus propre et sale est croquignolet je-ne-vous-dis-que-ça. Nous avons également mis en musique, en –ine et en –an l’anecdote de confinement qui nous a été soumise par le seul souscripteur assez intrépide pour nous commander une chanson à ses couleurs (merci-bravo, Jacques).

Et puis, naturellement, la Confine poursuit son inexorable chemin, disons carrément son destin, sur Youtube.

  • Mesdames et messieurs, l’épisode 27 est un autre tube instantané, plus ou moins gainsborroïde, en tout cas nettement seventies, un peu disco, un peu bossa et un peu glam rock, avec une nouvelle facette de Franck chanteur, qui prend en charge avec brio et avec une voix de crooner le couplet consacré au travestissement : « Je ferme les yeux, dedans y a un écran/Je m’habille en Cléopâtre, en Sissi, en Marilyn« , nous sommes entre nous, nous pouvons tout nous dire, n’est-ce pas… Qui n’a pas fait cela pendant le confinement ?
  • Quant à l’épisode 28, il est le plus long de toute la saga (ex-aequo avec le 23), et le tout premier à être mis en ligne en 2022.
    Il couvre les couplets 95 à 100 et demi (car oui, nous avons un couplet 100,5 et cela n’étonnera personne). Nous y admirons pas moins de 7 nouveaux mini-chefs d’oeuvre de Capucine prenant vie grâce aux bons soins numériques de Franck ; nous y entendons Fabrice déclamer un pseudo-Joachim du Bellay (« Heureux qui comme Ulysse en déconfinement« ) ; Marie recompter ses sous dans sa tirelire-cochon puis rêver de voyager jusqu’à Dinan ; enfin toute la troupe éternuer (gestes barrière, les gars !) et retomber dans la comptine obsessionnelle mais sans jambe de bois.
    Parmi les special guest-stars de la saison : Pierre Marinet a aimablement fourni une délicieuse composition au violon, Christophe Sacchettini un malicieux solo de flûte (tendez l’oreille et tâchez de reconnaître le thème de son contrechant), Thilo Sacchettini une ambiance électronique pour le couplet 96, couplet pour lequel Alice Vigne (née en 96, oh comme les choses sont bien faites) a prêté sa voix. Merci à tous !

Ainsi qu’à vous. Joyeux 22, quoi qu’il en coûte !

Marie, Capucine, Fabrice & Franck

Wok/e

01/01/2022 Aucun commentaire

Tiens ? Houellebecq est de retour. Il publie un roman le 7 janvier, comme en 2015, lourde date. On va manger du Houellebecq, on en mange. Un mien ami, plus fan que moi, m’a recommandé de regarder sur Youtube sa récente discussion dans l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne avec Agathe Novak-Lechevalier, professeure et spécialiste de son œuvre, échange intitulé Le livre ou la vie, pourquoi pas.

J’ai tenu 40 mns puis j’ai renoncé en soupirant devant ce happening exaspérant de complaisance. Je n’ignore pas qu’à chaque fois qu’on tend un micro à un écrivain pour qu’il s’épanche sur son œuvre, la complaisance est un danger naturel (je m’en rends compte y compris à ma propre échelle, évidemment plus modeste – et en guise d’antidote à ce penchant peut-être inévitable de la vanité de l’auteur en interview, je ne saurais trop conseiller Fumier, la désopilante Patte de mouche d’Étienne Lécroart) mais alors avec cette vidéo on touche le fond. Cette madame Novak-Lechevalier commence l’interview en hyperventilation tellement qu’elle est émotionnée, puis glousse et se pâme à chacune des saillies (pourtant peu drôles) de son grand homme. Spectacle pauvre (très peu de fond… sur ces 40 premières minutes j’ai relevé une seule idée intéressante, « il y a plus de différence entre zéro et un lecteur, qu’entre un lecteur et un million de lecteurs »), vaniteux et assez ennuyeux, pur fan service et non conférence comme je le croyais.

Houellebecq écrivain m’intéresse et m’amuse (je lirai sans aucun doute son Anéantir comme j’ai lu tous les autres). Houellebecq acteur aussi, chez Nicloux ou Kervern-Delepine, même si son registre est fatalement limité. En revanche Houellebecq vedette m’assomme, et Houellebecq prophète infiniment davantage. À chaque fois qu’il a proféré un avis politique au lieu d’écrire un roman sur le sujet, je l’ai trouvé roi-tout-nu, nul, bêtasse et cependant péremptoire (exemple : La religion la plus con, c’est quand même l’islam, 2014). Au mieux on peut dire de lui, en riant un peu honteusement la main sur la bouche, « Ah celui-là alors il a pas sa langue dans sa poche » comme on ferait d’un poivrot désinhibé au comptoir. Je n’oublie pas qu’en 2016 il roulait à fond pour Macron l’homme neuf (interview enamouré dans les Inrocks), puis peu après les élections de 2017 il disait à qui voulait l’entendre (oh ils sont nombreux à vouloir, les Inrocks et autres Novak-Lechevalier) qu’il donnerait son vote à quiconque lui garantirait le Frexit (en contradiction totale avec Macron le proeuropéen). Depuis il a émis tellement d’éloges idiots de Trump, de Poutine ou, évidemment, de Zemmour, que recueillir son « avis » dans les gazettes n’est rien d’autre qu’un symptôme révélateur de la bouillie politique dans laquelle nous pataugeons. La politique est déboussolée et en toute logique le modèle du grand écrivain « phare politique » de son époque (Voltaire, Hugo, Sartre, Camus) trouve son incarnation parfaite en Houellebecq.

Il n’y a qu’en littérature que je prends Houellebecq au sérieux, parfois. Je me fiche comme d’une guigne de ce que Houellebecq pense de l’euthanasie et cependant je lirai sans faute Anéantir en sachant d’avance qu’il m’horripilera, mais aussi me passionnera, me fera rire, dans le meilleur des cas m’attendrira, puisque j’aime la tendresse contrariée de Houellebecq. En attendant, je lis ses interviews en secouant la tête alternativement dans le sens vertical et le sens horizontal. Et dans Le Monde je relève ceci :

« Moi, je ne m’intéresse pas trop à Freud, j’ai beaucoup de reproches à lui faire, mais je m’intéresse vraiment aux rêves, et je suis très content d’en avoir mis autant dans Anéantir. Le rêve est à l’origine de toute activité fictionnelle. C’est pourquoi j’ai toujours pensé que tout le monde est créateur, parce que tout le monde reconstruit des fictions à partir d’éléments réels et irréels. C’est un point important. Moi, j’écris quand je me réveille. Je suis encore un peu dans la nuit, il me reste quelque chose du rêve. Je dois écrire avant de prendre une douche, en général dès qu’on s’est lavé, c’est foutu, on n’est plus bon à rien. »

J’opine. Et j’en profite pour faire un tour dans ma propre Échoppe enténébrée. Voici ma première aventure nocturne de l’année 22, qui a sans doute été influencée par le visionnage, la veille, d’un échange dans l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne.

Cette nuit j’étais bien embêtée parce que j’étais invité à prononcer une causerie dans je ne sais trop quel colloque sur le campus de Grenoble et je ne maîtrisais pas mon sujet, j’avais procrastiné pendant toutes les vacances et je ne l’avais pas assez préparé. J’avais pourtant imprimé un peu de documentation, essentiellement des copiers-collers de Wikipedia, en me disant que je les relirais en chemin, mais soudain je m’apercevais que j’avais oublié ces feuillets dans mon imprimante. Je déambulais sur le campus, je sortais de la galerie des amphis, le longeais la BU et je marchais en direction de l’IEP, et au lieu d’avoir sous le bras mes précieuses antisèches, je portais une poêle à frire, assez haute, avec son couvercle en verre, flambant neuve puisque reçue quelques jours plus tôt en cadeau de noël. Tout en marchant je pestais contre moi-même, non mais franchement à quoi pensais-je, cette poêle pouvait bien attendre, j’aurais mieux fait d’occuper mon week-end à préparer mon intervention. Enfin j’arrivais dans l’amphi, je grimpais à la tribune où je reconnaissais quelques personnes, je remarquais une parfaite parité, trois hommes dont moi-même et ma poêle à frire, et trois femmes. Je m’asseyais en souriant et saluant tout le monde, mais je transpirais beaucoup et j’espérais que je ne serais pas le premier à passer, les interventions des autres devraient me laisser le temps de me souvenir de quoi j’étais censé parler. Heureusement, je me suis réveillé avant que le colloque ne commence.

Il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre que cette poêle à frire (présent réellement reçu à noël) était un calembour lacanien. Le nom chinois de ces poêles aux bords relevés est wok. L’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble est présentement empêtré dans une affaire aux pénibles relents « woke ».