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Orgueil et narcissisme (Troyes épisode 93)

Je me rends compte que le temps est devenu le sujet principal de ce blog. Pas principalement le temps qu’il fait, mais lui aussi. La première neige est tombée chez moi ce matin, je ne la vois pas, je m’informe, mes montagnes me manquent. Ici, le vent a soufflé très fort ces derniers jours. Une tempête depuis sa fenêtre est un spectacle extraordinaire, et la phrase « Je vois la tempête » sonne faux comme le souvenir d’un rêve, une tempête ne se voit pas, ce n’est que de l’air qui passe, on ne voit que des arbres qui se penchent sur nous. On voit l’invisible seulement par ses manifestations, et c’est peut-être pour cela que le mot est identique faute de mieux, le temps. Voir une âme, pareil, une âme n’existe pas beaucoup, mais on la devine faute de la voir, elle est une manière de parler, on se comprend. (Une amie, lectrice de ce blog, a remarqué que depuis mon isolement j’abusais du vocabulaire mystique, thébaïde, etc. Eh, oh, y’a pas marqué Soubirous, je n’ai expérimenté aucune révélation. Dieu reste exclusivement une métaphore. Je crois dans la toute-puissance des métaphores.)

Orgueil et narcissisme, ce n’est pas un titre de Jane Austen, c’est le sujet de réflexion de cette nuit.

Une amie, une autre, qu’est-ce que vous croyez, j’ai beaucoup d’amies, m’a fait l’honneur de me donner à lire un album pour enfants qu’elle et son illustrateur ont composé il y a plus de dix ans mais qui est resté inédit. Je comprends parfaitement qu’une histoire à laquelle on tient reste dix ans dans notre tête ou notre tiroir et y murisse (ou pourrisse) en même temps que nous, encore le temps qui joue, toujours.

Or en me présentant ce livre qu’elle se décide enfin à soumettre aux éditeurs, elle m’écrit ceci qui me choque profondément : « J’y crois, même si c’est sans prétention, j’espère que tu n’as rien contre ». S’ensuit un dialogue où je me risque à redéfinir et réhabiliter l’orgueil, péché capital, rien que ça.

Bien sûr que si, j’ai quelque chose contre l’absence de prétention. Il ne faut jamais dire « c’est sans prétention » ! Parce qu’il faut au moins prétendre faire un bon lire. J’espère que tu ne dis pas « c’est sans prétention » quand tu démarches un éditeur ? Je serais éditeur je ne te répondrais même pas !

(…)

Oh ben non ! Jamais je ne dirai ça pour eux ! Tu as mis le doigt sur quelque chose d’important chez moi : l’absence totale d’orgueil et de narcissisme ! J’essaie de ne pas le laisser transparaître auprès des éditeurs… Je suis bonne comédienne quand il faut.

(…)

Je ne crois qu’à moitié à ton absence d’orgueil. Peut-être est-ce parce que j’en suis moi-même bouffi, mais je ne parviens pas à imaginer comment quiconque peut créer sans orgueil. Pour moi c’est lié à la création elle-même : créer consiste à avoir suffisamment envie qu’une chose existe pour la faire exister, et dans ce contexte l’orgueil n’est pas autre chose qu’un autre nom pour la passion. Cela autorise tout le reste : avoir envie, croire en ce qu’on fait, le faire, et le défendre. Vive l’orgueil, si tu veux mon avis. Le narcissisme, c’est autre chose, ne pas confondre, c’est même tout le contraire… Pas indispensable du tout, celui-ci, et peut-être même nuisible. L’orgueil, c’est avoir une haute idée de ce qu’on fait (et alors on crée aussi librement que possible) tandis que le narcissisme, c’est avoir une haute idée de soi-même (et puisqu’on est content de soi, en somme on est complet, on n’a plus besoin de créer quoi que ce soit).

Ensuite la conversation prend un tour plus personnel, et ne vous regarde plus.

  1. Laetitia (LN de Troyes)
    20/12/2011 à 00:03 | #1

    Si vous n’êtes pas à une redondance près, vous pouvez suivre ce lien…et y revenir quand l’Odyssée sera vraiment terminée…
    https://www.facebook.com/media/set/?set=a.2647934115248.2148842.1162550571&type=1#!/media/set/?set=a.2647934115248.2148842.1162550571&type=1
    En ce qui concerne les questions d’orgueil, de passion et de création, cela me rappelle une discussion en Normandie, cet été, pendant et après plusieurs verres de calvados…nous en sommes arrivés aux mêmes incertitudes et aux mêmes conclusions…comme c’est prétentieux de ma part! Ce n’était qu’un concours de circonstances, évidemment, et j’y repense souvent…non sans une certaine perplexité, à vrai dire, perplexité découlant directement de questionnements personnels, que je pourrais résumer ainsi: « J’y vais, j’y vais pas? Pourquoi? Pourquoi pas? »

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