Accueil > En cours > Je baigne dans l’art (Troyes épisode 48)

Je baigne dans l’art (Troyes épisode 48)

Je suis dans l’art comme un boulanger est dans le pétrin. La résidence qui m’héberge se trouve au premier étage du centre culturel Passages, qui se flatte d’être le seul centre d’art contemporain de l’Aube, et je croise là quotidiennement, pas forcément de l’art (à part de temps en temps, quand je jette un oeil furtif à travers les fenêtres des ateliers), mais au moins des artistes. Parfois l’on me dit : « C’est toi le résident du Salon du livre ? Tu es illustrateur, alors ? » Eh bien, non, pas tout à fait.

La semaine dernière avait lieu le vernissage d’une exposition commune de Hélène Juillet et Thomas Dupouy. Pour la première fois j’ai vu le Ginkgo bondé et béni par diverses huiles institutionnelles. Je ne suis certes pas féru d’art contemporain, très ignorant, seulement curieux de ce qui se passe, croyant-mais-pas-pratiquant – en tout cas réjoui d’être de cette messe-ci, communiant une flûte de champagne à la main, tout à la fois discrètement présent (comme pour profiter de l’émulation créatrice) et totalement décalé (pièce rapportée dans ce milieu relativement homogène qu’est l’Art), et au fond c’est ma position favorite, passager presque clandestin, de fortune. J’étais invité en tant que voisin-du-dessus, ce qui me valait l’amusante impression d’accueillir une expo chez moi. Alors qu’en réalité c’est le contraire : c’est moi qui suis de Passages et invité par l’expo.

Parmi les résidents du centre, celle avec qui m’est devenue la plus familière est Nadine Monnin, artiste polymorphe et singulier, mais semble-t-il surtout photographe. Elle s’est d’ailleurs montrée très intéressée par ceux de mes livres qui s’ornent de photos (les Giètes et IKEA), mais de mon côté j’ignore pour l’essentiel ce qu’elle fabrique. Je peux seulement témoigner que mes fenêtres donnent sur les siennes, et régulièrement je la vois la nuit, minuit, une heure, deux heures du matin, assise à son bureau, feuilletant de mystérieux albums, prenant des notes, tandis qu’ici je fais un peu de même, je cogite en coulisse des complots nocturnes. Au moment même où j’écris ces lignes, je regarde à travers la cour, je vérifie, oui oui elle est bien là, assise à son bureau, et sa présence me fait un peu le même effet que celle de l’écureuil, je suis content d’avoir des voisins, ce lieu est habité comme on dit des maisons qui ont vécu. Mais, contrairement à l’écureuil que je ne réussis pas à approcher, Nadine n’est pas un animal sauvage et il faudra bien qu’elle me parle prochainement de ce qu’elle fait, au juste.

(Londonomètre : en berne. Ces derniers jours, j’ai surtout écrit quantité de mails, hélas. J’ai cherché en vain un éditeur pour une bricole que j’ai écrite pour Magnier et que Magnier a déclinée. Chercher un éditeur est fastidieux en maudit, bonjour mon nom est Fabrice Vigne, j’ai écrit ça, en voulez-vous ? Non. J’espérais ne plus consacrer mon énergie à de telles démarches depuis le Fond du Tiroir, seulement voilà, je ne peux pas tout placer au Fond du Tiroir.)

  1. Pas encore de commentaire
  1. Pas encore de trackbacks

*