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La clef à tant de bons ouvrages

« Un jour on sentira la commodité d’avoir un dictionnaire
qui serve de clef à tant de bons livres. »
Fénelon, Lettre à l’Académie : projet d’achever le dictionnaire

Certes, j’avais en tête au moins un précédent. J’ai été fortement influencé par Raymond Queneau, qui prétendait avoir lu dans son enfance, de la première à la dernière ligne, le  tome premier du dictionnaire Larousse en sept volumes, « ce qui explique que je connaisse encore aujourd’hui une quantité stupéfiante de mots commençant par A à C ».

Mais ce n’est, je le jure, qu’après avoir écrit un roman où le narrateur ne se sépare jamais de son dictionnaire, le fétichise, l’utilise pour comprendre le monde hostile mais aussi pour accoucher sa propre histoire, que je me suis rendu compte que le « roman à dictionnaire » était davantage qu’une figure de style, une catégorie narrative très fournie. De la même façon que, lorsqu’on vient d’apprendre un mot nouveau, on le rencontre comme par hasard de-ci de-là, j’ai depuis lors lu un certain nombre de romans dont le héros déambule muni de son dictionnaire et recopie devant vous, mesdames et messieurs, des définitions entières. C’en est presque banal, au fond un lieu commun à l’image du dictionnaire lui-même, objet sacré et cependant outil trivial. Je ne suis guère original. Mais je n’en suis même pas vexé : quand on lit les dictionnaires, on se doute bien que l’on n’invente rien.

Je cite quelques-uns de ces romans à dictionnaire tels qu’ils me reviennent en mémoire, je suis sûr que vous pourriez, vous y mettant à plusieurs, en trouver sans effort dix fois autant : Allah n’est pas obligé de Kourouma, Le gone du Chaâba de Begag, Gros-Câlin d’Ajar, Tout seul de Chabouté, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran d’Eric-Emmanuel Schmitt, Mange-moi de Nathalie Papin… Et spéciale dédicace au Petit Robert.

Sans parler des romanciers qui ont écrit leur propre dictionnaire : Leiris bien sûr, et puis Flaubert-encore-lui-toujours-lui, qui donne dans son Dictionnaire des idées reçues cette définition à l’entrée Dictionnaire – En dire : « N’est fait que pour les ignorants. »

Jean Pruvost, éminent lexicographe lexicomane lexicophile lexicovore lexicothécaire etc., gigantesque collectionnaire de dictionneurs, auteur en outre d’une biographie de Pierre Larousse et d’une autre, hélas épuisée, de son rejeton le Petit Larousse (et par ailleurs professeur à l’Université de Cergy-Pontoise, chercheur au CNRS et directeur éditorial chez Honoré Champion) recense amoureusement les citations au sujet des dictionnaires. Il vient de publier une chronique à ce sujet, où il me cite, avec ferveur.

Que dire sinon merci beaucoup ? Je suis très honoré, champion.

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