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Winnetou, indien allemand

Das Buch zum Film

Le romancier populaire allemand Karl May (1842-1912), célébrissime chez lui et inconnu en France, a écrit, sans avoir jamais mis les pieds au Far-West, maints westerns qui mettaient en scène le chef apache fictif Winnetou, incarné au cinéma dans les années 60 par Pierre Brice, ainsi que son frère de sang, le trappeur blanc Old-Shatterhand.

A l’occasion de la sortie en salle outre-Rhin d’une nouvelle adaptation cinématographique de ce personnage, Der junge Häuptling Winnetou (« Le jeune chef Winnetou ») réalisée par Mike Marzuk, la maison d’édition Ravensberger a jugé bon de publier deux albums inspirés des romans de May… Puis, une semaine plus tard, a jugé tout aussi bon de les retirer de la vente, en raison de « nombreux retours négatifs ». Pourquoi ces westerns sont-ils aujourd’hui inadmissibles ? Serait-ce parce qu’Adolf Hitler en était friand et exigeait, dit-on, que tout son état-major les ait lus ?
(Pour éviter les simplismes ajoutons qu’Hitler n’était pas le seul admirateur de Karl May : l’adoraient aussi Albert Einstein, Franz Kafka, Hermann Hesse, Fritz Lang, Albert Schweitzer…)

Pas du tout ! Les raisons de la censure sont à chercher ailleurs. Le patron de Ravensburger, Clemens Maier, a expliqué qu’ils véhiculaient « un imaginaire romancé et plein de clichés », sans rapport avec la véritable histoire de « l’oppression des peuples indigènes ». Il a ajouté que « [s]on intention n’a jamais été de blesser qui que ce soit », et que sa maison se voulait « très attentive à la question de la diversité et de l’appropriation culturelle ». (source : lemonde.fr, 25 août 2022)

Depuis, la polémique « woke » bat son plein entre ceux qui orientent leur farouche indignation vers feu Karl May, estimant que notre époque ne peut plus tolérer une représentation folklorique, kitsch et rétrograde d’un peuple génocidé ; et ceux qui l’orientent plutôt vers la censure d’un pan entier de culture populaire faite d’aventures imaginaires, de grands espaces, de souffle épique, et, mais oui, d’une certaine valorisation des Indiens, fût-elle folklorique (car Winnetou est un brave, un grand héros attirant l’empathie de ses lecteurs, et un personnage tragique dont la mort fit pleurer d’innombrables cœurs tendres, peut-être même Einstein et Hitler eux-mêmes).

Nous discutons du sexe des anges (ah oui tiens au fait parlons-en, faut-il dire il ? elle ? iel ?) alors que l’apocalypse est au fond de l’agenda. L’époque est délicieusement idiote. Mais on ne pourra pas dire qu’on ne l’a pas vue venir. Rediffusion au Fond du Tiroir :
En 2018, alors que, plongé dans le travail sur Ainsi parlait Nanabozo, j’étais particulièrement sensible à ces questions que débattaient mes personnages, je m’étais offusqué (car j’étais jeune et candide, il y a 4 ans) que des bibliothécaires et autres acteurs culturels puissent, convaincus de faire le bien, censurer des livres représentant des Indiens sous couvert de lutte contre les discriminations. Je ne le savais pas mais ce n’était que l’avant-garde.

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