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Un géant, une géante

10/09/2023 Aucun commentaire

Le week-end prochain, à l’occasion des Journées du patrimoine, je jouerai deux spectacles en trio, avec mes camarades Christine Antoine (violon) et Bernard Commandeur (piano).

Deux spectacles sons et lumières, deux évocations musicales et picturales, deux biographies de peintres écrites par mes soins : Goya et Chagall, si différents l’un de l’autre qu’il n’est pas commode de leur trouver un point commun. Voici, pourtant, l’une sur l’autre, deux de leurs peintures qui semblent avoir le même motif : un géant, grand comme une montagne, apparaît au-dessus de l’horizon et toise les humains. Il occupe les deux tiers supérieurs du tableau tandis que les humains sont écrasés dans le tiers inférieur.

Le Colosse de Goya (1808) montre en pleine nuit et de dos, une force tellurique nue et musculeuse, une force de destruction en marche, une fatalité mythologique qui fait trembler le ciel et la terre et pour qui les humains ne sont que des fourmis égarées, aveuglées, fuyant dans le chaos.

Bella au col blanc de Chagall (1917) montre en plein jour et de face, la toute puissance bienveillante et maternelle d’un éternel féminin, hautain comme une allégorie, couvant du regard une scène bucolique, un homme apprenant à marcher à son petit enfant à l’orée d’un bois ; la géante emprunte ses traits à Bella, le grand amour de Chagall, sa femme, qui vient de donner naissance à leur fille, Ida.

Récapitulons :

– Le samedi 16 septembre à 11h : Goya, démons et merveilles sur de la musique espagnole et latino-américaine, au château de Valbonnais. Réservations au 06 73 53 18 42.
– Le dimanche 17 septembre à 18h : Chagall, l’ange à la fenêtre sur de la musique klezmer, russe et française, en l’église Notre-Dame-des-Vignes à Sassenage. Réservations au 06 71 04 91 17.

Tiens ? Il a fallu que je l’écrive ici pour réaliser que le diptyque faisait s’affronter dans ses titres, que j’ai choisis sans la moindre préméditation, l’ange et le démon.

Ci-dessous, revue de presse, l’article des Affiches de Grenoble et du Dauphiné consacré à notre Goya :

I’m just a sweet transvestite

01/08/2023 Aucun commentaire
Jessica DeBoisat au naturel
Jessica DeBoisat prépare sa séance de shooting
Jessica DeBoisat en trop-trop-trop gros plan.
Jessica DeBoisat au selfie dans le miroir
Jessica DeBoisat à l’oeil qui tue ! Et sa coiffeuse à l’arrière-plan.
Jessica D. et sa besta Laurence M.
Rubrique people : un selfie de Jessica DeBoisat aux côtés de son autrice préférée (dont elle n’a lu aucun livre), Mano Gentil

Il est jeune, il est pâle ― et beau comme une fille.
Ses longs cheveux flottants d’un nœud d’or sont liés,
La perle orientale à son cothurne brille,
Il danse ― et, secouant sa torche qui pétille,
À l’entour de son cou fait claquer ses colliers.
Louis Bouilhet, Étude antique

Je reviens d’Arles. Comme chaque été je me suis régalé la rétine des Rencontres photographiques, qui transforment la région en infini territoire de cimaises. Quatre jours d’orgie scopique, une dizaine d’expos quotidiennes minimum, un horizon complet d’images sur lesquelles (se) réfléchir au lieu que de se cogner contre, à chaque porte poussée le risque d’être curieux, indifférent, ébahi ou enthousiaste. Le pass à 40 balles pour au moins 50 risques, ça nous fixe le risque à une fraction d’euro, le prix devient symbolique, idéal comme un paletot.

Enthousiasme il y eut, oh oui, et nombre de fois ! Avec des merveilles dans tous les genres, c’est parti pour le feuilletage à toute berzingue du catalogue : le reportage (les archives photojournalistiques de Libé à Montmajour) ;
la réalité la plus actuelle dans ta face (La chasse à la Tarasque de Mathieu Asselin) ;
au contraire, la pure fiction, minutieusement mise en scène dans des grands formats époustouflants (Gregory crewdson, quelle claque) ;
l’autobiographie recomposée (Zofia Kulik, géniale, ou Lina Geoushy, pas mal non plus) ;
le happening expérimental explorant la mémoire d’un lieu (Entre nos murs des Iraniens Sogol & Joubeen) ;
l’archive retrouvée (Ne m’oublie pas, expo de photos d’identité de portefeuilles, ressuscitées d’une époque où l’on n’avait qu’une seule photo précieuse et pliée au fond de la poche au lieu de milliers d’images dévaluées dans son téléphone) ;
l’art contemporain, conceptuel et pourtant primitif, chamanisme au cœur de la forêt amazonienne (Roberto Huarcaya) ;
l’hommage au cinéma, ce frère esthétique (Agnès Varda est présente en trois endroits mais surtout pour les photos de repérage de son premier film La Pointe Courte, car elle a toujours été photographe même quand elle est devenue cinéaste) ;
le pouvoir conjoint de l’image et de la littérature (Paul Auster & Spencer Ostrander) ;
le projet encyclopédique dingo et pince-sans-rire (Soleil gris de Eric Tabuchi et Nelly Monnier) ;
ou la rétrospective de toute une carrière discrète et opiniâtre (Saul Leiter, flamboyante découverte)…

Bizarrement ou pas, l’une des seules expos me laissant de marbre est celle présentée comme le must absolu toutes catégories, la rétrospective Diane Arbus. Or elle m’est apparue jetée en vrac, avec un système d’accrochage opaque et radin, une totale absence d’accompagnement, un côté démerdez-vous avec ça et si ça ne vous plaît pas c’est vous qui n’êtes pas à la hauteur, je n’y ai rien vu du tout, je l’ai traversée en aveugle, rendez-vous manqué. À tout prendre, on approche de bien plus près la personnalité de Diane Arbus en regardant le faux biopic Fur de Steven Shaiberg, film parfaitement fantaisiste mais sensible.

Et quant à celle que j’élirais mon expo 2023 préférée… Ce n’est pas commode, mais… je crois que ce serait Casa Susanna.

Quelle extraordinaire boîte de Pandore que ce carton d’archives rescapées des années 60, ces centaines de photos qui témoignent d’une société secrète, underground et hors-la-loi : la confrérie travestie secrète américaine, en pleine période du triomphe de l’American Way of Life, où John Wayne était l’homme, Marilyn Monroe la femme, et les vaches étaient bien gardées par les cowboys !

Casa Susanna, qui doit son nom à mademoiselle Susanna, alter-ego féminin de Tito posant sur la photo ci-dessus, a été pendant plus d’une décennie le nom d’un refuge clandestin pour hommes qui avaient en eux un alter-ego féminin. Un paradis, niché dans les Catskills au nord de l’état de New-York, un club archi-privé pour certains hommes qui se contactaient par les petites annonces du fanzine Transvestia, et se retrouvaient là, soulagés de découvrir qu’ils n’étaient plus, chacun, seul au monde. Ainsi une communauté émerge.

Le documentaire du même titre sur Arte, assez émouvant (comment ne pas être sensible à l’histoire d’amour entre Tito-Susanna et sa femme Maria, indéfectiblement unis jusqu’à ce que la mort les emporte tous deux, à une semaine d’intervalle) mais joue trop sur la fibre psychologique, et mélodramatique. J’ai ressenti une plus grande palettes d’émotions devant l’expo qui, composée de simples images, raconte l’histoire de façon plus brute, et plus sociologique. Elle montre des hommes lassés de paraître des hommes, ne pouvant s’épanouir qu’avec des perruques, du maquillage, des bijoux, des robes de satin et des talons aiguilles. Se préparant pour le bal ou pour les fourneaux, car on peut être coquette tout en tenant son ménage.

Et qui se prennent en photo. Et comme ils ont l’air heureux, sur ces photos ! Car ainsi, pour un instant seulement, derrière les volets clos de la Casa Susanna, le miracle opère : même ceux qui ne sont pas beaux sont belles. Belles d’être ensemble : la sororité vaut mieux que la fraternité (je sais de quoi je cause, j’ai été militaire), j’en suis convaincu à un point tel que si les féministes s’avisaient de prétendre modifier la devise de la République, je ne m’y opposerai pas.

Ces documents historiques sont stupéfiants et en même temps brûlants comme de la TNT, ils remplissent toutes les fonctions de la photo : ils attestent de l’existence de ces personnes (et de leur beauté) mais ils auraient pu, en de mauvaises mains, cesser d’être un souvenir enchanté et devenir une dangereuse pièce à conviction, leur valoir un sort affreux, la fin de leur vie sociale, et tout simplement la prison. Les multiples valeurs de ces photos, pourtant amateures, leur donnent leur indéniable place dans une expo des Rencontres Photographiques d’Arles.

Comment faut-il appeler ces personnes ? Des travestis ? Des transformistes ? Des drags (acronyme de DRessed As Girls) en attente d’être couronnés queens ? Des cross-dressers ? Des invertis ? En tout cas, ils ne s’appellent pas encore des LGBTQI+++ et d’une certaine manière, tant mieux, car il y avait là une certaine forme d’innocence qui disparaîtra lorsqu’il faudra coller une initiale sur chacun. L’histoire que raconte l’expo d’Arles se termine dans l’aigreur, quand d’une part la révolution féministe en marche rend caduc le modèle stéréotypé de la femme à laquelle ces hommes veulent ressembler ; quand, surtout, la belle unité et la convivialité de cette proto-communauté explosent, et que des antagonismes, voire des haines se révèlent, certains éléments radicaux estimant que s’habiller en femme est un plaisir d’homme hétérosexuel pur, et que tous les autres cas (les gays, les transsexuels en attente de transition) sont des monstruosités. Déchirements entre chapelles. On est loin, d’un seul coup, des sourires et de la joie de vivre de la Gay Pride. On est loin de la tolérance, on retombe dans l’intolérance et cela ne servira de leçon à personne.

Mais il est temps de faire mon propre coming-out. Moi aussi j’ouvre et je partage sous vos yeux, en tête de cet article, mon vieil album photo. Moi aussi j’avais un alter-ego féminin. J’avais Jessica comme Tito avait Susanna. Si j’ai tant de bienveillance pour ces personnes c’est que j’ai vaguement fait partie de leur bande, moi aussi j’ai pensé qu’il n’y avait rien de plus beau et de plus désirable qu’une femme, alors j’ai voulu franchir le pas, m’approprier la beauté et le désir. Certes, dans mon cas, ce n’était qu’une blague (mais attention, j’étais sérieux comme une blague). Sans vouloir balayer les tourments psychologiques qui peuvent être associés au travestissement, je peux témoigner qu’existe aussi la pure joie carnavalesque d’être (d’être enfin !, mais d’être temporairement, car tous les états sont temporaires), quelqu’un d’autre, parce qu’il est trop pesant d’être tout le temps la même personne, parce que l’identité assignée est un fardeau. Changer, littéralement, de rôle. Marcher dans d’autres chaussures, eussent-elles des talons. Renversement salutaire. Mon outrance, mon stéréotype, ma caricature peut-être, mais mon empathie, et ma tolérance. Essayez, vous verrez. On se croise dans la prochaine gay pride ?

Peace and love,

Jess

Rrose Selavy, alias Marcel Duchamp, 1920. Photo : Man Ray.

Le vrai du faux

18/06/2023 Aucun commentaire

18 juin 2023 : joyeux anniversaire, Paul McCartney ! L’un des deux Beatles survivants a 81 ans aujourd’hui, chapeau.
On m’a aimablement fait remarquer que j’avais laissé passer une coquille dans La théorie de la compote. Car j’y ai écrit ceci :

« Il paraît, et c’est vrai hein, et même c’est plus que vrai c’est carrément logique, que plein de morts célèbres, Michael Jackson, John F. Kennedy, Jack l’Eventreur, Jésus Christ, Che Guevara, Marilyn Monroe, Claude François, Amy Winehouse, Napoléon, Lady Di, le petit Grégory, Johnny Hallyday, Paul McCartney, je sais plus qui j’en oublie mais la liste se trouve assez facilement je t’enverrai le lien, en réalité ils ne sont pas morts. Ils se sont brûlé les ailes comme Pégase. Ils se sont approchés trop près de secrets qui ne les concernaient pas trop, tu vois ce que je veux dire, des secrets de la CIA, et depuis tous les faux morts se cachent entre eux dans des bunkers ultra-sécurisés et attendent le bon moment pour revenir. « 

Ce n’est pas une erreur, figurez-vous. J’ai fait absolument exprès d’inclure sir Paul dans la liste des morts, en référence à l’une des plus anciennes et tenaces rumeurs virales entourant la pop culture. Cf. l’exégèse qu’en fait Pacôme Thiellement.

Comme j’ai écrit le premier jet de ce texte il y a 5 ans et qu’il a mis un temps assez long à paraître, pendant 5 ans je me suis dit : « Pourvu que McCartney ne meure pas dans l’intervalle, cela gâcherait ma blague ! « 
Merci McCa d’être encore vivant, joyeux anniversaire ! Il vient d’ailleurs d’annoncer la sortie d’un titre inédit des Beatles terminé par une intelligence artificielle, je demande à entendre…

(Et sinon, au cas où, puisqu’il faut être parfaitement transparent, « Ils se sont brûlé les ailes comme Pégase » c’est pas une coquille non plus.)

Julien Assange, bien placé pour émettre un avis sur les complots puisqu’il en a révélé une poignée et subi un autre, a récemment énoncé cette idée intéressante :

Je ne comprends pas pourquoi les gens se passionnent pour de faux complots, alors qu’il en existe tant de vrais.

Révérence gardée, il me semble que la réponse à sa question est des plus fastoches. On se passionne pour les complots, peu importe qu’ils soient vrais ou faux (la question de la discrimination entre le vrai et le faux étant autrement épineuse, et sacrément contemporaine), tout simplement parce que les complots sont d’excellentes histoires. On aimera les complots aussi longtemps qu’on aimera les histoires, qu’on aimera comment elles se construisent et comment elles nous construisent dans le même mouvement, comment elles nous tiennent en haleine, et comment elles nous révèlent la vérité petit à petit ou brutalement. Chaque théorie du complot est un whodunit, excitant comme du Agatha Christie.

C’est pourquoi je réclame que le complotisme soit inscrit au nombre, outre des pathologies mentales, des arts du récit. Le complot est un phénomène imaginaire, un phénomène littéraire. C’est en tant que tel que je l’ai abordé puis brodé, en ma petite fantaisie intitulée La Théorie de la Compote.

Avisse : le samedi 24 juin à 18h, je ferai une rencontre-lecture-dédicace-un-peu-n’importe quoi en l’excellente librairie la Caverne, 11 rue Montorge à Grenoble, et ce sera comme une inauguration officielle, sans petits fours et sans sous-préfet qui coupe un cordon tricolore, mais avec beaucoup mieux : avec Marie Mazille. Donc on chantera, aussi.

Joie, beauté et couleur

01/05/2023 Aucun commentaire

Lu dans le Dauphiné libéré, un article aimable consacré au spectacle Goya : Monstres et merveilles en trio avec Bernard Commandeur, Christine Antoine et mézigue, joué la semaine dernière au château de Seyssinet.
Avec naturellement une coquille, sans laquelle le Daubé ne serait plus le Daubé : « Fabrice Vigne au chant et au texte » . Non, non, sur ce coup-là je ne chante pas, promis. Sauf si je suis dans un état second ? Si ça se trouve… mon dieu… Le Daubé aurait raison ? Je suis revenu du stage d’avril épuisé, confus, ébranlé nerveusement, et je me serais mis à chanter sans m’en apercevoir, les Spermatos par exemple ? Voilà qui mérite un mirliton !

L’obscurité régnait dans l’aile du château / Et l’ombre de Goya enrobait le trio / Nous étions concentrés sur le « Très de Mayo » / Quand soudain retentit l’hymne des spermatos (de notre correspondant du Dauphiné Liberato)

Prochaines dates du spectacle : dimanche 25 juin 11h au Peuil (Claix) ; jeudi 19 octobre au Musée de Grenoble dans le cadre de la programmation « Musée en musique » .

Mais comme dans la vie il n’y a pas que « Goya et la musique espagnole » , Christine, Bernard et moi-même préparons un nouveau spectacle musicalo-biographico-pictural en trio : « Chagall et la musique russe » .
Déjà deux dates prévues : création à l’occasion des Journées du patrimoine, dimanche 17 septembre, en l’église Notre-Dame-des-Vignes, Sassenage ; reprise en appartement à Grenoble le mercredi 1er novembre (Toussaint).
Ce qui entraîne que ces jours-ci je lis pas mal de choses sur Chagall. C’est beau, Chagall. C’est féérique. C’est joyeux. C’est plus coloré que Goya (euphémisme).
Et puis à force de recherches, fatalitas et sérendipité, je tombe sur une citation de Jean-Marie Le Pen. Fin immédiate de la joie, de la beauté, et de la féérie.
Le 13 février 1984, date clef, Le Pen devient une star de la télévision et commence une ascension qui ne s’interrompra plus : il apparaît dans sa première émission en prime time, « L’Heure de vérité ».
Fort de son antisémitisme décomplexé et décomplexant, il profère cette ignominie, tous les Juifs dans le même sac :

« Je considère les Juifs comme des citoyens comme les autres… Ils ne le sont pas plus que ne le sont les Bretons ou d’autres. Je ne me sens pas obligé d’aimer la loi Veil, d’admirer la peinture de Chagall ou d’approuver la politique de Mendès-France ».

Près de 40 ans plus tard, Le Pen vient d’être hospitalisé pour un malaise cardiaque, mal en point. Il ne faut pas souhaiter la mort des gens, jamais, ça ne se fait pas. Par conséquent je ne dirai pas : « Qu’il crève » .

Pour le 1er mai, un brin de muguet peint par Chagall (vers 1975)
Ce ! N’est ! Qu’un ! Brin d’muguet !
Continuons le ! Com ! Bat !

Revenir sur la terre ou exploser en vol

29/04/2023 Aucun commentaire

Photo aimablement prise par un CRS pourtant sur les nerfs, qui faisait le pied de grue à la sortie de l’autoroute mais qui attendait des blacks blocs plutôt qu’un trombone et une nyckelharpa.

Ah quel stage que celui de création de chansons encadré par Marie Mazille et moi, trépidant, foisonnant et joyeux. entouré de plein d’autres ateliers plus sérieux mais tout aussi bons ! Si le monde (professionnel) était mieux fait je ne gagnerai ma vie qu’ainsi tant je me régale tout en régalant les autres. Prochaine session : dimanche 14 au samedi 20 avril 2024. En attendant vous pouvez vous inscrire au stage d’août de Mydriase, pas mal non plus.

Mais il faut bien revenir dans le vrai monde, qui vous attend au tournant. La semaine de stage était tellement intense que j’en ai oublié de regarder l’info – ce sevrage constituant un avantage bonus.

Voyons voir, qu’ai-je loupé d’essentiel ces derniers jours ? Ah, tiens, ça, enfin une info marrante : Le Starship, la mégafusée de SpaceX, explose en vol trois minutes après son premier décollage.

Voilà qui mérite un mirliton :

Quelle déconvenue, affligeante et très brusque,
Advient au gros poupon dénommé Elon Musk !
Il brise son joujou à grosse empreint’carbone
Dans son techno-av’nir y’a kekchoz qui déconne.

Victor & Wolfganga

22/01/2023 Aucun commentaire

Mirliton Matin, rubrique spectacle vivant.
Tous chez François Fourel le vendredi 27 janvier 2023 (Sainte Angèle) à 20h pour la création mondiale du concert en duo Mazille & Vigne !

La Mazille et le Vigne se donnent en spectacle
Dans le coquet duplex du bon François Fourel
Transformé pour l’occaze en cour des hauts miracles
(Règlement au chapeau, gratuit pour les Angèles)

Concert que, naturellement, nous avions au départ envisagé d’intituler « Mazille & Vigne, enfin la tournée d’adieu ! » , mais nous avons craint que Djal nous intente un procès pour contrefaçon, alors il s’appelle en toute modestie « Wolfganga Mazille et Victor Vigne chantent leur pires tubes » afin de placer la barre suffisamment haut pour se faufiler en-dessous.
De même, l’affiche du spectacle a scientifiquement été conçue afin que chacun.e hoquette en son for intérieur : « C’est quoi cette horreur ? Ma nièce de 5 ans fait mieux en cinq minutes sur Photoshop ! », car nous nous en voudrions d’intimider quiconque.

À force de mirlitonner, d’accumuler depuis des années diverses chansons créées en atelier ou pour le simple plaisir de faire n’importe quoi (Anything Anytime Anyplace For No Reason At All, en gros), nous avons fini par nous rendre compte que nous avions tout un répertoire et largement de quoi monter un concert. Allez tant pis pardon on y va on le fait, c’est à ce concert que nous vous convions. N’importe quoi garanti ou remboursé deux fois.

On m’y entendra même rapper, c’est dire. Deux mois que je m’entraîne. C’est très difficile, le rap (respect aux rappeurs), mais ça a pour moi un énorme avantage : on n’est pas obligé de chanter juste.

Mémoires d’Al-Djazaïr

29/11/2022 Aucun commentaire

Ce soir 19h à l’Odyssée, Eybens, je participe à une lecture musicale célébrant, selon de quel côté l’on se trouve, soit les 60 ans de la fin de la guerre d’Algérie, soit les 60 ans d’indépendance de l’Algérie. Nous aurons la chance d’avoir en special guest star Farid Bakli et sont oud. Seront convoqués des écrivains « algériens » mais aussi « algériens français » : Albert Camus, Kateb Yacine, Jean Amrouche, Boualem Sansal, Assia Djebar, Alice Zeniter, Laurent Mauvignier, Maissa Bey, Mouloud Feraoun…

Pas la peine de vous pointer, c’est complet.

En lot de consolation, je vous offre ici-même un texte de Camus que je lirai, tout vibrant de cette élégie mystique écrite à l’âge de 28 ans parmi les ruines romaines de Tipasa, extrait de Noces à Tipasa :

« Mer, cam­pagne, silence, parfums de cette terre, je m’emplissais d’une vie odorante et je mordais dans le fruit déjà doré du monde, bouleversé de sen­tir son jus sucré et fort couler le long de mes lèvres. Non, ce n’était pas moi qui comptais, ni le monde, mais seulement l’accord et le silence qui de lui à moi faisait naître l’amour. Non, ce n’était pas moi qui comptais, ni le monde, mais seulement l’accord et le silence qui de lui à moi faisait naître l’amour. Amour que je n’avais pas la faiblesse de revendiquer pour moi seul, conscient et orgueilleux de le partager avec toute une race, née du soleil et de la mer, vivante et savoureuse, qui puise sa grandeur dans sa simplicité et debout sur les plages, adresse son sourire complice au sourire éclatant de ses ciels. (…)
Je comprends ici ce qu’on appelle gloire: le droit d’aimer sans mesure. Il n’y a qu’un seul amour dans ce monde. Étreindre un corps de femme, c’est aussi retenir contre soi cette joie étrange qui descend du ciel vers la mer. Tout à l’heure, quand je me jetterai dans les absinthes pour me faire entrer leur parfum dans le corps, j’aurai conscience, contre tous les préjugés, d’accomplir une vérité qui est celle du soleil et sera aussi celle de ma mort. Dans un sens, c’est bien ma vie que je joue ici, une vie à goût de pierre chaude, pleine de soupirs de la mer et des cigales qui commencent à chanter maintenant. La brise est fraîche et le ciel bleu. J’aime cette vie avec abandon et veux en parler avec liberté: elle me donne l’orgueil de ma condition d’homme. Pourtant, on me l’a souvent dit : il n’y a pas de quoi être fier. Si, il Y a de quoi: ce soleil, cette mer, mon cœur bondissant de jeunesse, mon corps au goût de sel et l’immense décor où la tendresse et la gloire se rencontrent dans le jaune et le bleu. C’est à conquérir cela qu’il me faut appliquer ma force et mes ressources. Tout ici me laisse intact, je n’abandonne rien de moi-même, je ne revêts aucun masque: il me suffit d’apprendre patiemment la difficile science de vivre qui vaut bien tout leur savoir-vivre.
Un peu avant midi, nous revenions par les ruines vers un petit café au bord du port. La tête retentissante des cymbales du soleil et des couleurs, quelle fraîche bienvenue que celle de la salle pleine d’ombre, du grand verre de menthe verte et glacée. Au-dehors, c’est la mer et la route ardente de Poussière. Assis devant la table, je tente de saisir entre mes cils battants l’éblouissement multicolore du ciel blanc de chaleur. Le visage mouillé de sueur, mais le corps frais dans la légère toile qui nous habille, nous étalons tous l’heureuse lassitude d’un jour de noces avec le monde. »

Ces mots sont, bien sûr, sublimes… Toutefois, l’on comprend que Camus ait pu essuyer des critiques du type : « Vous faites l’éloge de l’Algérie mais sans les Algériens. » Aussi, lors du spectacle de ce soir, afin d’introduire un peu de nuance et de dialogue, ce texte formidable sera immédiatement suivi d’une lettre fort énergique de 1957 (en pleine guerre) de Kateb Yacine à Camus, qui évoque également Tipasa :

« Mon cher compatriote,
Exilés du même royaume nous voici comme deux frères ennemis, drapés dans l’orgueil de la possession renonçante, ayant superbement rejeté l’héritage pour n’avoir pas à le partager. Mais voici que ce bel héritage devient le lieu hanté où sont assassinées jusqu’aux ombres de la Famille ou de la Tribu, selon les deux tranchants de notre Verbe pourtant unique. On crie dans les ruines de Tipasa et du Nadhor.
Irons-nous ensemble apaiser le spectre de la discorde, ou bien est-il trop tard ? Verrons-nous à Tipasa et au Nadhor les fossoyeurs de l’ONU déguisés en Juges, puis en Commissaires-priseurs ? Je n’attends pas de réponse précise et ne désire surtout pas que la publicité fasse de notre hypothétique co-existence des échos attendus dans les quotidiens. S’il devait un jour se réunir en Conseil de Famille, ce serait certainement sans nous. Mais il est (peut-être) urgent de remettre en mouvement les ondes de la Communication, avec l’air de ne pas y toucher qui caractérise les orphelins devant la mère jamais tout à fait morte.
Fraternellement, Kateb Yacine »

Par ailleurs, un regret.
Nous avons soigneusement élaboré le déroulé chronologique de cette lecture musicale, bien sûr nous avions trop de matière et nous avons procédé par élimination… et j’avoue regretter de n’avoir point intégré un extrait des Carnets d’Orient de Jacques Ferrandez. Certes, lire une bande dessinée à voix haute est toujours délicat puisqu’il y manque le plus important, qui est le dessin, sauf à faire un BD-concert.
Mais je suis présentement plongé dans cette ambitieuse épopée sur un siècle et demi, depuis la colonisation de 1830 jusqu’après la guerre, et je suis surpris d’être emballé à ce point, alors que la bande dessinée historique n’est, habituellement, pas du tout ma tasse de thé.

Juste pour le plaisir de la scène coupée, donc, je vous partage un extrait du tome 3, Les fils du sud, que j’aurais aimé lire à haute voix :

« Alger, 1914.
J’ai poussé tout d’un coup. A 14 ans, j’avais une petite voix pointue, et brusquement c’est devenu une voix d’homme.
Les filles se moquaient de moi, ça me rendait timide…
En classe, il y avait des copains qui étaient fils de paysans débarqués quelques années auparavant, dans le début du siècle.
Le matin, ils mangeaient de la soupe, ils ne connaissaient pas le café au lait. Nous, on se fichait d’eux.
Après les grèves des vignerons du midi en 1907, le vin qui était à un ou deux sous le litre est monté à sept sous.
Ils sont devenus riches, et après, c’est eux qui se fichaient de nous…
Mais ici, c’est comme ça… Le Français se croit plus fort que l’Espagnol. L’Espagnol, il crache sur l’Italien. L’Italien il dit que la Maltais c’est un chien. Le Maltais, il traite l’Arabe de fainéant. Et l’Arabe, il méprise le Juif.
Et encore, des fois, c’est l’inverse. »

Vaillant petit ailleurs

17/10/2022 Aucun commentaire
Marie MAZILLE – chant, nyckelharpa, accordéon, mots
Christophe SACCHETTINI – flûtes, scie musicale, psaltérion, percussions, conception, montage
Fabrice VIGNE – récitant, trombone

Sept d’un coup ! Comme dit le vaillant petit tailleur.
Je n’avais jamais connu un tel marathon. En un mois, j’ai joué dans sept spectacles distincts, dont certains étaient conçus et écrits par moi-même, et dont plus de la moitié (quatre sur sept, eh ouais) étaient payés, fût-ce au chapeau. Si je devais devenir intermittent (qui connaît l’avenir, hein ?), ce mois-là serait une bonne période-test pour m’interpeler moi-même comme on donne un conseil à un vieux pote, Eh, gars, non mais franchement qu’est-ce que tu fous encore avec ton travail salarié que-t’aimes-bien-mais-t’as-mieux-à-faire ?

Mesdames et messieurs, ledit marathon s’achèvera demain soir, mardi 18 octobre 2022 à 20h, avec le spectacle le plus bizarroïde des sept, haut la main, ne manquez pas ça parce qu’on ne le refera, a priori, jamais, et même, en capitales, JAMAIS.
Ce sera un ciné-concert intitulé Le miroir qui revient, chez Christophe Sacchettini et Marie Mazille, il reste quelques places, informations à la demande en message privé auprès de moi ou de Christophe, qui, dans certains réseaux sociaux interlopes, est également connu sous le nom de Mustradem Prod.
Pour de sordides raisons de droits, je n’ai pas l’autorisation de vous détailler davantage les œuvres filmées et écrites qui seront présentées ce soir-là (je peux tout au moins dire qu’on y entendra au minimum une chanson inédite de Marie Mazille), j’en suis réduit à vous redire Faites-nous confiance, venez donc, ce sera vachement bien et, au sens premier et absolu, inouï.

La photo originale (et c’est le moins qu’on puisse dire) est ici.

Confine Revival

09/10/2022 un commentaire
photos : Laurence Menu

Revival « Confine » vendredi dernier avec toute l’équipe réunie pour la première fois, y compris Capucine Mazille la Bretonne, de passage à Grenoble, mais aussi Marie Mazille (of course), Franck Argentier, Christophe Sacchettini et Farid Bakli.

Le happening a pris place dans l’arrière-Caverne (merci à Mohamed Aouine et à son héroïque librairie). Quel plaisir de rejouer sur scène notre épopée burlesque !

Comme l’a fort justement résumé Capucine durant les papotages de l’after : la principale vertu de la Confine est d’être joyeuse. J’en suis convaincu aussi et la joie est pratiquement une question d’éthique. Se montrer joyeux à propos d’un événement collectif qui au contraire avait tout pour rendre morose, voilà qui est élégant, classe, sain, vital, résistant, c’est ce que nous pouvions faire de mieux et nous l’avons fait, bravo. C’est en outre certainement pour la même raison qu’on ne s’en lassera pas : grâce à la Confine, le confinement n’est pas qu’un mauvais souvenir.

Mesdames et messieurs, le livre-DVD Au Premier Jour de la Confine est toujours en vente au Fond du Tiroir.

Concerto pour caillou

25/09/2022 Aucun commentaire
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Sinon, je fais ce genre de choses, aussi.

J’ai reçu une demande de spectacle assez complexe : il fallait à la fois que ce soit une déclinaison pour enfants des Tubes du baroque conçus en 2020 avec Christine Antoine et le Jardin Musical (voir ici) ; mais aussi un concert pédagogique permettant la découverte et, dans le meilleur des cas, l’incitation à l’apprentissage, d’instruments de musique rares et peu enseignés ; et enfin, à tant faire, un conte musical pour distraire, amuser, enrober et faire digérer.

M’est revenu en mémoire le merveilleux conte (et non conte merveilleux, ne confondons pas tout) La soupe au caillou, tel que raconté par mon maître en contes, Michel Hindenoch (voir ici), parabole sur la générosité, sur le partage, sur l’acceptation de l’autre, sur le besoin humain de se nourrir de symboles autant que de nourriture.

Ainsi ai-je écrit Le concerto pour caillou, parabole sur la générosité musicale, sur le partage musical, sur l’acceptation de l’autre musicien, sur le besoin humain de se nourrir de symboles musicaux autant que de musique.

En secret, ce spectacle est aussi autobiographique, puisqu’il raconte, même si je n’allais tout de même pas le révéler aux marmots (ça ne les regarde pas) mes complexes intimes, ma petite timidité quand je dois partager la scène avec des vrais musiciens, moi qui ne le suis pas tant que ça : moi, je suis tout juste bon à jouer du caillou, c’est-à-dire du symbole par surcroît.