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Bastille Nation – autrement dit : « Le pays de la Révolution »

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Bloquer une ville en marchant, banderole à la main, parce qu’on n’est pas content et qu’on est nombreux, trois millions selon les organisateurs et cent dix mille selon la police : la manif est une tradition française. Y’a ça, le béret basque, le Mont Saint Michel, la Tour Eiffel, pis la baguette et le Bordeaux : la France. Moi-même, j’avoue, je marche. Je baguette, je Bordeaux, je manife, je suis vachement français.

Sylvain, un ami, français idem, qui autrefois jouait du saxophone dans le même groupe que moi, a ces dernières années énormément marché, lui aussi. Or une idée lui vint à force de marcher. Du reste Nietzsche affirmait « Les seules pensées valables viennent en marchant ». Sylvain a conçu le projet d’un jeu de société sur le thème du militantisme, un jeu qu’il nourrirait de sa longue expérience d’agitateur auprès d’ATTAC ou d’autres. Un simulateur de révolution dans son salon, un jeu de plateau, de dès et de pions, où le but ne serait pas de conquérir, ni de faire fortune, de devenir le plus gros golden-boy de la place… mais d’énumérer divers motifs de protestation, les assimiler, les beugler au mégaphone, sensibiliser les foules et enfin constituer le plus gros cortège qu’on ait vu entre Bastille et Nation !

Ce jeu de simulation, de quizz et de stratégie a un double objectif : tester ses connaissances dans différents domaines (écologie, rapport nord-sud, féminisme, économie, politique, monde du travail…) et s’amuser en se mettant dans la peau d’un militant.

Le concept est incongru, rigolo, et en somme d’actualité. Car la manif, la revendication populaire en pleine rue,  l’émancipation du peuple en marche, l’image même du progrès historique hégélien en mille-pattes, est une culture. Une culture qui baigne aujourd’hui, comme tant d’autres, en pleine confusion (quand on voit qui manifeste aujourd’hui et pourquoi, quand on entend quelles idéologies réacs émanent des défilés, on se demande où est la gauche, et comment elle a pu se laisser subtiliser son moyen d’expression privilégié…)

Ce fantasme ludique, intitulé Ça va péter !, vient donc à point nommé pour nous rappeler les règles du jeu de la conscience politique. La première fois que Sylvain m’en a parlé, je lui ai toutefois exprimé une objection : si le principe même du jeu de société, qui sublime l’instinct de compétition autour d’une table conviviale, est idéal pour le Monopoly, métaphore capitaliste explicite où la victoire s’arrache en écrasant sans scrupule son adversaire, comment peut-il s’appliquer à un jeu qui prétend prôner le collectif, le collaboratif, le tous-ensembleu ?

J’ignore comment il a résolu cette contradiction… Quoi qu’il en soit, son jeu est entre temps achevé. J’aimerais bien tester une partie, pour voir. Mais il n’existe pour le moment que sous forme de prototype, en quête d’éditeur. On peut aller voir de quoi il retourne sur son site.

Une pensée pour Cavanna, qu’on ne verra pas marcher dans la prochaine manif.

« L’homme sait qu’il va mourir. Il le sait, mais il ne le sent pas. Il repousse éperdument l’idée de la mort, de la non-existence s’appliquant à lui-même (…) Ou bien on se laisse crever, et on crève. Ou bien on se bagarre, et peut-être qu’on crève quand même. Mais peut-être que non. Et ce tout petit peut-être vaut tous les sacrifices quand on pense à l’enjeu qui est au bout. »
François Cavanna,
Stop-Crève, 1976

  1. 01/02/2014 à 18:29 | #1

    Camarade,
    la contradiction dont tu parles est partiellement résolue : chaque équipe amène son cortège pour une manifestation commune, MAIS, il faut avoir le plus gros cortège et bien se placer dans la manif pour remporter la partie…
    Je n’ai pas plus poussé dans le sens de l’esprit collaboratif, car l’aspect ludique en aurait pris un coup (mais bon, Pandémie, c’est quand même vachement bien) ; peut-être aurais-je du, peut-être cela viendra dans une version bêta…
    Tu seras en tout cas informé pour la prochaine proto-partie grenobloise!

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