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Articles taggués ‘Littérature jeunesse’

Mais alors… Tout ceci n’était qu’un rêve ?

28/09/2008 Aucun commentaire

Non-non, malgré le titre, le présent article n’est pas une énième réclame pour mon Echoppe (toujours en vente, ceci dit).

Je viens de lire Les rêves de Pauline, le dernier roman de Chris Donner. C’est très mauvais, et cela me fait de la peine. J’ai dit ailleurs ma dette envers les romans de Chris Donner qui, parmi d’autres, m’ont fait dans les années 90 prendre conscience que la « littérature jeunesse » existait – et par conséquent m’ont ouvert une fenêtre sur un champ esthétique où je pourrais un jour m’ébattre. C’est dire si je guettais avec curiosité cette première oeuvre « jeunesse » de Donner depuis des années. Annoncé comme très différent de ses anciens livres, c’est, hélas, surtout différent parce que totalement loupé, « ni fait ni à faire ».

Les déboires de Pauline l’abeille sans ailes (le postulat est loin d’être sans intérêt) sont, en fin de compte, plats et artificiels, cousus de fil blanc. On a l’impression que l’Ecole des loisirs, trop contente de recevoir un nouveau texte de Donner, n’a pas effectué le moindre travail éditorial sur ce texte sûrement bâclé, truffé de phrases mal fichues et d’incohérences (le médecin change de nom au bout de dix pages… Personne n’a donc relu ?). Surtout, ce n’est pas intéressant. La fonction « fantaisiste » des rêves de Pauline est désespérément convenue : Pauline à la fin du livre, se trouvant dans une situation très angoissante, prisonnière des fourmis, sur le point de se faire dévorer, s’en tire en se réveillant soudain, et en faisant un gros câlin à la reine des abeilles, présente à son chevet. Car tout ceci n’était qu’un rêve.

Qu’opposer à ce Donner consternant ? Un autre Donner, stimulant, exigeant, orgueilleux, écrit dix ans plus tôt :

« Un jour, ils ont organisé un concours de rédaction de toutes les sixièmes du collège. Je suis arrivé deuxième. Ce qui m’a mis en colère, c’est quand ils ont affiché la rédaction du vainqueur dans le préau. Le type avait terminé en disant « Tout ceci n’était qu’un rêve ». Alors j’ai compris comment il avait gagné : grâce à cette pirouette, à cette astuce de petit prétentieux. J’ai compris que ce qui plaisait aux professeurs c’était l’invention, l’imagination, et surtout pas la réalité, surtout pas la vie telle qu’on essaie de la raconter. Alors ce jour-là, j’ai décidé de devenir écrivain. » Chris Donner, Je suis le chef de la révolution, L’Ecole des loisirs, 1998, pp 73-74.

Dans la foulée de ce récit autobiographique et programmatique, et sur le même sujet, Donner avait publié un pamphlet qui lui valut quelques attaques, Contre l’imagination. J’avais trouvé ce brûlot un peu forcé, un peu pénible, un peu délayé, (du reste je trouve les livres pour adultes de Donner systématiquement plus délayés, pénibles et forcés que ses livres pour enfants), mais au moins la thèse méritait d’être posée – c’était l’époque où l’autofiction était à la mode et prétendait se théoriser comme quelque chose de nouveau et de radical.

Personnellement, l’imagination, je suis plutôt pour. Mais si c’est pour en arriver aux Rêves de Pauline, je suis tenté de m’affirmer « contre l’imagination de Chris Donner » (on devrait, parfois, lire d’une traite le titre et l’auteur… On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset… Je pourrais tout aussi bien essayer sur moi-même : Voulez-vous effacer archiver ces messages de Fabrice Vigne ?, ben voyons, Les Giètes de Fabrice Vigne, ouhlà !). Ou alors, je n’ai rien compris à ce petit bouquin. C’est possible. Je veux bien qu’on m’explique.

« No comment »

23/09/2008 Aucun commentaire

Voilà belle lurette que je n’avais pas lu autant de « littérature jeunesse ». Mon prix Rhône-Alpes 2008 du livre jeunesse m’a, effet secondaire, bombardé membre d’office pour le jury 2009. J’ai donc rejoint un distingué aréopage de critiques, bibliothécaires, libraires, directeurs de salons, a priori tous plus savants que moi, et nous discutons « littérature jeunesse ». On goûte le cru de l’année, son bouquet, sa robe et sa cuisse, et on recrache. Deux réunions ont déjà eu lieu, les livres circulent, 30 ou 40, ils diminueront au fil des semaines jusqu’à ce que l’on se mette d’accord sur celui qui mérite la timbale et la bise de la conseillère régionale déléguée à la culture. Tout ceci rigoureusement confidentiel, bien sûr : je ne donnerai pas de noms. No comment.

Je lis, donc. Souvent, c’est laborieux (oh la la, comme c’est mauvais, la « littérature jeunesse » ! Oh comme elle mérite sa sale réputation de sous-littérature normée et normative, pré-mâchée et fonctionnelle !), et de temps en temps c’est magnifique (oh la la, comme c’est riche et surprenant, la « littérature jeunesse » ! Que d’univers singuliers, que de pépites en liberté, que de merveilles insoupçonnées par les snobs qui auraient l’impression de déroger si par accident ils ouvraient un « livre pour enfants » !).

Les listes des ouvrages en lice sont à géométrie variable, on raye, on ajoute dans les marges. A un moment donné, je pose une question innocente :

– Tiens, pourquoi ce livre-ci est exclu ?
– Parce que c’est une BD.

Je poursuis, de plus en plus candide :

– Ah bon, être une bande dessinée constitue donc un vice de forme redhibitoire ? Et pourquoi ? Y’a-t-il une catégorie à part, une « catégorie bande dessinée » dans les prix Rhône-Alpes ?

Mes co-jurys me regardent avec un sourire indulgent. Une quoi ? Une… catégorie BD ? Ce Fabrice Vigne est un ingénu d’accord, un bizuth, un fauteuil tournant, mais est-il possible d’être si innocent ?

Voilà : la « littérature jeunesse » n’est pas le seul champ éditorial qui donnerait aux lecteurs sérieux, jurys ou non, la sensation de déroger. Si cette pauvre « littérature jeunesse » est la cinquième roue du char, nous avons identifié la sixième : la bande dessinée.

Pourtant, l’un des livres les plus forts que j’ai lus cette année (comme chaque année, si je réfléchis bien) est une bande dessinée. Mieux : elle est signée par un auteur rhonalpin (il habite Lyon, que je sache). No comment, par Ivan Brun, éditions Drugstore (filiale de Glénat). Je me permets de le citer sans scrupules, ce n’est pas confidentiel, il n’est sur aucune liste (et d’ailleurs ce n’est pas particulièrement « jeunesse »). Voilà un livre choquant, subversif, formellement original, qui dit quelque chose d’important sur notre époque, sur sa « jeunesse », sur vous et moi, et qui le fait en inventant à chaque page son propre langage, à la fois virtuose et expérimental. Bref, très précisément ce que l’on peut attendre d’un livre, d’un bon livre. Hélas pour lui, ce n’est pas un livre, c’est une BD. Par conséquent Ivan Brun et son oeuvre resteront ignorés des prix Rhône-Alpes du livre.

Allez, j’y retourne, j’ai un « roman jeunesse » à lire.

Non, merci, c’est trop, écoutez, arrêtez, n’en jetez plus, vous m’embarrassez, à force, quoi…

10/08/2008 3 commentaires

De tous mes livres, Les Giètes est celui qui a engendré la plus volumineuse revue de presse, surtout depuis la médaille « Pral » à la boutonnière. Pas un mois ne passe, même en été, sans que la maison Magnier ne m’envoie une ou plusieurs enveloppe(s) contenant quelques articles photocopiés. Pour citer une phrase peu innocente du livre en question, « le bilan est globalement positif ».

Dans cette imposante pile de papier, on trouve pêle-mêle : des informations pratiques et institutionnelles entre autres sur la Région Rhône-Alpes qui décerne des prix (un prix littéraire fait-il lire ? en tout cas il fait écrire la presse – normal : les journalistes traitent les événements. Un prix est un événement ; un livre, non), des éloges, des comptes-rendus lapidaires, des dossiers de presse copiés-collés, des approximations, des gentillesses, des généralités, des pots-aux-roses dévoilés (le titre est presque systématiquement traduit), et parfois mêmes quelques authentiques efforts critiques, que je salue et remercie bien volontiers.

La dernière recension qui m’est parvenue, initialement parue dans la revue belge Ados-livres, m’a tellement mis en joie par sa hauteur de point de vue que je me fais un plaisir et un devoir de la recopier ici intégralement. Cet article, particulièrement clairvoyant, rejoint d’ailleurs par de nombreux aspects la bande-annonce que j’avais rédigée moi-même pour la parution du livre voici un an et demi, c’est dire si je me sens en affinité. Le voici :

« VIGNE Fabrice (avec REHBINDER Anne pour les photographies), Les Giètes, Thierry-Magnier, Photoroman, Paris, 2007, 212 p. (après-texte compris), ISBN 13 : 978-2-8442-0524-4
COTE : 1/10
« La Maison » est un home qui accueille des vieilles personnes dans des studios spécialement adaptés aux difficultés de leur âge. Monsieur Bertram, le narrateur du récit de Fabrice Vigne, y occupe le numéro 409, à côté de Madame Ostatki, une toute nouvelle venue. En attendant les visites régulières de Marlon, son petit-fils, le vieil homme passe son temps à jouer au Scrabble et à relire son vieux journal, rédigé 45 ans plus tôt… « Photoroman », la toute nouvelle collection des Editions Thierry-Magnier, est-elle destinée aux vieillards passionnés par les pensées de Flaubert et membres du Parti Communistes Français ? Si oui, alors tout va bien ! Si non, il y a lieu de se poser quelques questions sur ce choix éditorial de Jeanne Benameur et Francis Jolly !
Vous l’aurez compris,
Les Giètes – ces jours que l’on passe en l’attente d’un événement inévitable, telle la mort dans le cas des héros – ne nous a pas vraiment mis en joie ! En cause, un contenu tout à fait inapproprié, un narrateur susceptible de faire fondre seulement les quatre fois vingt et une intrigue qui se devine à peine ! Quel gâchis !
(Roman du quotidien, à ne pas lire avant 60, voire 70 ans)
« 

Rubrique La raison du plus court, in revue Ado-livres, Rue Puissant, 11 (2ème étage) 6000 Charleroi, Belgique. Téléphone et fax : 00 32 (0)71 53 59 98. Demande de renseignements et d’abonnements : ado.livres@skynet.be.

(Qui donc s’exprime ainsi, au fait ? La notule n’est pas signée, dommage. Mais la critique est critiquée à son tour, c’est justice ! et c’est même la nécessaire règle du jeu de la légitimation de parole, la bienfaisante régulation du grand brouhaha médiatique qui permet à chacun de savoir quoi penser. Ainsi, voici comment le CRDP de Grenoble présente la revue Ado-Livres. « Cette revue belge de critique littéraire spécialisée dans la littérature adolescente francophone offre une approche nouvelle de la note de lecture. En effet de la fiche critique jusqu’aux analyses en plusieurs pages, les romans sont présentés suivant une grille de lecture novatrice et très intelligente. On retrouve un « résumé apéritif », l’avis des rédacteurs mais aussi une fiche signalétique présentant l’organisation du texte, les personnages principaux, la voix narrative ainsi que des pistes pour aller plus loin en classe. Un dossier et une partie magazine complètent ce travail et permettent de découvrir le dynamisme de la littérature jeunesse en Belgique. »

Me voilà flatté derechef : je suis entre les mains d’experts novateurs et intelligents. Je me demande si ce n’est pas trop d’honneur.)

Post-scriptum. Un an plus tard, la même revue Ado-Livres m’adresse parmi d’autres un appel à manuscrits. S’ensuit ce dialogue :

Ado-Livres organise un concours de romans sur manuscrits écrits par des auteurs connus ou inconnus…
Genre(s) et thème(s) au choix !
Dead-line : fin octobre 2009 !
Public-cible : adolescents entre 12 et 16 ans
Auteur connu ou non, publié ou non, tout le monde a sa chance puisque, bien entendu, tous les manuscrits resteront anonymes pour tous mes collaborateurs et les jurés. Je serai, en effet, le seul à connaître le nom de l’auteur de chaque texte !
Bien à vous,
Benoit Anciaux,
Directeur de la revue « Ado-Livres ».

Merci pour cette intéressante proposition, malheureusement je ne peux que la décliner. Il semble que je n’aurai aucune chance d’intéresser vos collaborateurs et jurés, et en cette matière l’anonymat des manuscrits n’y fera rien ! Car, hélas, votre revue ayant gratifié d’un impitoyable 1/10 mon dernier roman, espérer vous plaire un jour est un luxe hors de mes moyens.
Avec mes regrets, et cependant mes cordiales salutations,
Fabrice Vigne

Bonjour,
Je comprends que vous ne souhaitiez pas participer au concours que j’organise et je ne cherche pas ici à vous inciter à y prendre part ! Ce n’est pas mon genre !
L’article auquel vous faites référence et que j’ai écrit, comme à l’époque la plupart des articles d’ « Ado-Livres », est vraiment très dur à l’égard de « Les giètes ». C’était mon avis et il reste parfaitement fondé à mes yeux…
Si vous me connaissiez un peu, cependant, vous sauriez que je cultive l’indépendance à l’égard de tous : si je trouve qu’un livre n’est pas bon, je l’écris. Je me trompe parfois, bien entendu, mais c’est le propre de tout travail critique… Que l’auteur soit un ami – et j’en ai quelques-uns dans le petit monde fermé de la Littérature pour adolescents – n’y change rien ! J’ai écrit sur les plus grands de vilaines choses sur l’un ou l’autre livre : certains me l’ont pardonné, d’autres pas…
Ne croyez pas que le texte que vous pourriez nous présenter serait donc exclu d’office ! D’abord, les lecteurs de la pré-sélection ne sont pas moi ! Ils ont leur avis et moi le mien ! Et qui vous dit que la prochaine fois, je mettrai à votre texte un moche 1/10 ?
Avec mes regrets et, cependant, mes cordiales salutations,
Benoit Anciaux

Cher Benoît,
La vérité, toute plaisanterie mise à part, est que lorsque j’ai sous la main un manuscrit de roman, je préfère le soumettre à un éditeur plutôt qu’à un concours lancé par une revue.
Quant à votre article sur mes Giètes, je n’ai strictement rien à vous « pardonner » ! J’ai plutôt à vous remercier, car il m’a beaucoup fait rire, d’un rire très sain, je vous assure, pas jaune le moins du monde. Car si votre critique avait été la seule, ou même la première, recension de mon ouvrage, elle eût été prodigieusement destructrice… Mais comme elle venait après de nombreux éloges, elle m’a semblé au contraire, dans l’originalité de ses points de vue, bienvenue, et même salutaire.
Avec mon plus grand respect pour la liberté des critiques, et mes cordialités renouvelées,
Fabrice Vigne

Cher Fabrice,
Je me ferai donc un plaisir de lire votre prochain roman … publié ! N’oubliez surtout pas de me le faire envoyer !
Avec mon plus grand respect pour la liberté des auteurs et mes cordialités renouvelées,
Benoit

(Et puis quoi encore ? C’est mon éditeur qui fera les services de presse, pas moi…)


Et maintenant, mesdames et messieurs, j’administre la preuve

12/06/2008 3 commentaires

Ah, au fait, je ne vous ai pas raconté ma riche journée de présentation des Giètes, à Lyon, le mardi 20 mai.

J’ai d’abord rencontré des élèves de seconde du lycée Charles de Foucauld, dans la librairie « La marmite aux livres ». Ces jeunes filles et jeunes gens assis par terre étaient extrêmement réceptifs, comme en témoignent leurs compte-rendus. Ainsi la preuve est définitivement faite : Les Giètes est bel et bien un livre jeunesse.

Ensuite, le soir à la brune, Christophe Sacchettini à la flûte, aux percus et au psaltérion, et moi-même livre en main, avons redonné notre lecture musicale du même ouvrage (ah, qu’est-ce qu’on l’aime, notre petit spectacle ! on va le rejouer au moins deux fois, en Savoie en août, en Ardèche en septembre, et plus encore j’espère), dans le salon au parquet luisant et craquant d’un appartement cossu, meublé avec goût, ceci dans le cadre des « Mardis d’Isabelle ». Le public ce soir-là, bien élevé, assis dans de confortables fauteuils Voltaire, et offrant à la vue de qui déclame un âge moyen tout à fait respectable, en est ressorti charmé et conquis (sans me vanter, hein). Ainsi la preuve est définitivement faite : Les Giètes est bel et bien un livre adulte.

Bons baisers d’Annemasse

01/06/2008 4 commentaires

J’arrive.

J’achève mon mai surchargé, ma tournée VRP littéraire. Je défais mes valises, je recharge mes batteries, j’home sweet home.

Bilan chiffré de ma villégiature au Festival du livre jeunesse d’Annemasse : une semaine d’animations scolaires autour de mon petit Posthume à fond le planning (record absolu pour la journée du vendredi : j’ai fait face à 9 classes en cinq séances, de 8h du mat à 17h, puis table-ronde tout-public le soir, soit environ une dizaine d’heures debout sur le pont – j’explose les préconisations de la Charte allègrement, et de mon propre chef dois-je préciser afin de ne mettre personne en porte-à-faux), 28 classes au total, presque uniquement des 6e et des 5e, sauf des CM1-CM2 le dernier jour, soit un certain nombre d’occurrences de la question « Comment devient-on auteur » m’obligeant sans relâche à trouver des vérités au fond de mes variations, quelques 600 gamins, quelques adultes, des bibliothécaires très pros et charmantes (merci Nadine, Céline, Catherine, etceterine), des documentalistes désabusées, des libraires volubiles, des lecteurs, des non-lecteurs, des enfants épatés, des enfants blasés, de la pluie et du ciel gris et ensuite de la pluie, des tas de kilomètres en voiture pour passer d’un collège à l’autre (les lignes de crête et les paysages autour d’Annemasse sont superbes, alors que la ville est, au mieux, quelconque), quatre nuits d’hôtel et quatre jours de repas en cantine (beaucoup de frites, aucun fruit, le scorbut rôde), une dizaine d’auteurs alentour (collègues et parfois amis, salut Mathis), un débat ludique et étrange où les auteurs esquissent puis abandonnent une discussion sur la matière première des livres (des mots ? des idées ? des émotions ? qu’ai-je à dire là-dessus ? où suis-je ?), et durant lequel Bruno Gibert estime que ces questions sont mauvaises et que les seules correctes à lui poser seraient « Comment allez-vous ? Etes-vous heureux ? », enfin un salon sous chapiteau, presque dix livres vendus et dédicacés en quatre heures s’il vous plait – dont deux exemplaires de l’Echoppe.

Que dire ? J’aime et je sature, ces apparitions publiques m’usent et m’amusent, sont tout à la fois éreintantes et trop faciles. Je raconte aux enfants que ce que je voulais, moi, et dès longtemps, ce n’est pas « être auteur », mais « écrire », et que s’ils comprennent la nuance, ils ont saisi la moitié de ce que je peux leur apporter dans l’heure que nous passerons ensemble ; qu’écrire est difficile, qu’alors je suis tout seul avec mon stylo, ma cervelle et mes nerfs, et qu’il faut gratter et creuser et sculpter et fouailler et formuler et aboutir, et que c’est là l’enjeu, c’est là le but, c’est là l’envie viscérale, le risque de réussir ou échouer ; qu’en revanche « être auteur », c’est seulement ce que je suis en train de faire devant eux, mon show, pas désagréable, mais pas comparable, « être auteur » c’est juste être pris pour un auteur, fastoche, je ne suis pas très inquiet, j’y arriverai presque à coup sûr, même avec la neuvième classe de la journée. J’essaye de nouer un vrai contact à chaque fois, de ne pas me caricaturer, de ne pas réciter. Au bout de la semaine, forcément, c’est moins commode qu’au début.

« Etre auteur » est largement mieux payé qu’ « écrire ». C’est bizarre. Mais peut-être pas anormal, par les tristes temps qui courent.

Des anecdotes, des impressions ? Oui, bien sûr, plein.

Je cherche toujours à identifier, représentation après représentation, ce qui distingue une classe d’une autre, afin de n’avoir pas un souvenir unique, global et flou, qui me ferait croire qu »Annemasse c’est comme ceci » ou « comme cela ». Ainsi j’ai, comme jamais auparavant, perçu la différence entre les 6e et les 5e. J’exprime platement, et peut-être naïvement, ce que j’ai ressenti comme une révélation : au fil du compte à rebours, entre le six et le cinq, c’est tout l’abîme qui sépare l’enfance et l’adolescence. Les 6e sont encore spontanés et curieux, ils emplissent la salle par le premier rang ; les 5e sont déjà soupçonneux et ricaneurs, un peu ailleurs, et ils emplissent la salle en commençant par le dernier rang.

Autre hiatus, et pas moindre : les collèges publics et privés. On a beau se trouver, dans chacun de ces deux mondes, en face d’enfants, et savoir que tous les enfants sont comme le tien, les enfants ici et là n’ont pas le même rapport à l’argent, à la réussite, à l’avenir. Ceux du public rament, ils auront à se battre et se battent déjà ; ceux du privé sont souvent meilleurs élèves, mais sans trop se forcer (mentalité frontalière qu’un documentaliste m’a expliquée : à quoi bon foutre quoi que ce soit à l’école, puisque je peux comme papa et maman gagner ma vie en Suisse, quatre fois mieux qu’en France ?). Du coup, des nuances existent dans leurs réactions : quand je leur explique que « Non, je ne gagne pas ma vie avec mes livres, mais tant mieux, je ne les fais pas pour l’argent, je les fais pour quelque chose de plus important, car à part lorsqu’on a faim (et je n’ai pas faim), l’argent est la pire raison de faire quoi que ce soit, c’est avilissant », certes Je leur parle une langue étrangère des deux côtés de la guerre scolaire ; mais dans le public ils me prennent pour un fou, tandis que dans le privé ils me prennent pour un con.

Lors d’une rencontre avec une 5e, une fille assise au fond du CDI n’a pas dit un mot, et semblait même ne rien écouter. Après la sonnerie, quand tous déguerpissaient vite-vite, elle est passée devant moi et, toujours sans un mot, m’a remis ce qu’elle avait fait de cette heure-ci : un portrait de moi qui, pour ce que je sais de mon apparence, est étrangement ressemblant. Merci Mylène.

Au fond du tiroir à gauche

09/05/2008 Aucun commentaire

Ce titre est, naturellement, un message politique.

Mais il signifie, par ailleurs et de façon obscurément métaphorique, que j’incite les quelques lecteurs de ce blog (ils sont sept, selon mon dernier recensement), à explorer les pages dont les intitulés se déploient ci-contre. Même s’ils les ont déjà survolées. Parce que je les remanie régulièrement. J’adore remanier. Je remanie toujours, c’est compulsif.

Ainsi, je viens de développer la page Ecrire d’une main, allaiter de l’autre, où je donne enfin, comme promis, des éclaircissements sur le tableau accroché là-bas. J’en profite pour parler un peu de littérature jeunesse, figurez-vous.

René Goscinny (1926-1977)

30/04/2008 un commentaire

Le 5 novembre 1977 trépassait René Goscinny, grand écrivain français, ni plus ni moins. J’ai rédigé un hommage de deux pages, et c’est là je vous prie de le croire, la moindre des choses, sur la bénéfique influence d’un auteur qui ne prenait ses lecteurs ni pour des adultes, ni pour des enfants, mais juste pour des gens d’esprit.

Le 13 mai 2007, je me trouve au salon du livre de Caen. J’attends le chaland sur mon stand. Sur le stand d’en face, je guette Anne Goscinny qui signe son roman, « Le père éternel ». Pour me désennuyer (le fait est que je signe moins qu’elle), je lui écris une lettre, au sujet de son papa, que je lui remets discrètement avant de quitter le salon. Elle ne m’a jamais répondu. Je suppose que des hommages à son père, elle en reçoit beaucoup.

Plus tard, je communique ce texte à Michel Lebailly, libraire et infatigable gardien de la flamme goscinnienne. Il me suggère de remanier la lettre en article, d’ôter ce qui en faisait une correspondance privée avec Anne (pour ce qu’elle en a fait, t’façons), pour publication dans son « Bulletin Goscinny ». Je m’exécute. Michel est enthousiaste quant à mon texte, à une phrase près. Cette phrase est « polémique », si l’on veut. Il me prie de l’enlever. Je rechigne un peu, puis finis par concéder à ce qui relève d’une gentille censure. Le n°5 du « Bulletin » vient de paraître, contenant mon article moins une phrase.

Si ça intéresse quelqu’un : quelqu’un peut m’adresser une demande par email, et j’enverrai gracieusement à quelqu’un par retour de courrier l’article (dans sa version non expurgée). Mais que cela n’empêche pas quelqu’un d’acquérir le par ailleurs intéressant « Bulletin Goscinny », disponible à la « Librairie Goscinny », qui est sise à Paris « rue Goscinny » (au moins c’est facile à retenir, tout ça), ou alors par corresponadance :

http://www.librairiegoscinny.com/spip.php?article1525

Pendant ce temps, à Landerneau

19/04/2008 7 commentaires

Si ma visite en Bretagne au mois de mai est finalement annulée, en revanche je provoque quelques remous dans le Landerneau « Littérature jeunesse ». Primo, je suis interviouvé par (la très subtile) Madeline Roth et mis à contribution dans le prochain numéro sur papier de la revue Citrouille, actuellement sous presse (http://lsj.hautetfort.com/). Deuxio, le blog du master 2 professionnel de littérature pour la jeunesse de l’université du Maine, animé par (le légèrement moins subtil) Bertrand Ferrier, cause de moi en se posant les bonnes questions : écris-je pour les ados ? Troisio, et voilà le plus amusant (et le moins subtil), je sers de repoussoir dans une polémique de longue haleine qui fait rage sur le blog de Blandine Longre . Ici, par deux fois, Jack Chaboud me traite à mots couverts d’escroc, parce que j’ai reçu (et même accepté ! et réclamé, si ça se trouve ?) un prix de littérature jeunesse pour un livre que j’avoue avoir écrit « sans me préoccuper de l’âge de mon lecteur ». C’est un scandale ! Je suis entièrement d’accord avec Jack Chaboud. J’ai l’intrépidité et la joie de foncer dans le débat.

Non mais écoute-le parler, l’autre

10/04/2008 un commentaire


Vous trouverez ici deux interviews conduites par mails au sujet des Giètes, la première recueillie par Martine Hamon, étudiante en Master « Littérature Jeunesse », et la seconde par Anne-Laure Cognet pour l’ARALD.

Et puis ici, c’est un peu hors-sujet mais tant pis, une interview sur Jean Ier le Posthume, réalisée par des enfants du Collège Diderot (Nîmes).